J’étais à la messe de semaine ce soir, mais la place devant moi était vide.
Pas de chagrin et pas d’inquiétude : je sais pourquoi. Juste un vide. Il est parti en maison de retraite.
Pas vraiment l’âge pour y aller, mais pas assez d’autonomie non plus pour continuer comme ça.
Dans tous les villages, il y a au moins un simple. C’était le nôtre. On le voyait arpenter les rues pourtant pentues tout le jour, rester des heures au même endroit, répondre, ou non, à notre salut.
A se demander comment il ne ressentait pas le froid, la fatigue, l’ennui, la solitude…
Le mardi soir, il était toujours devant moi. On se donnait la paix du Christ, le Christ qu’il allait ensuite recevoir de son pas un peu claudiquant, reconnaissable entre tous.
L’autre jour, je l’ai rencontré au village d’à côté, celui où il y a sa maison de retraite. Lui qui ne me parlait presque jamais, ce jour-là il a été bien bavard !
“Et dites-leur que ça me plaît de plus en plus ici !” Contente, soulagée. On devait tous avoir un peu peur qu’il s’y sente comme en prison. “On peut sortir, il se passe plus de choses ici !”
C’est sûr, il y a quelques commerces, plus de passants, et puis les voitures de chez nous qui traversent et qu’il doit guetter. Maintenant il répond toujours au petit salut !
Mais ce n’est pas le plus touchant, il faut que je vous dise.
Parfois il faut les simples pour oser des mots que d’autres ne se permettraient pas. Il me demande tout à trac des nouvelles de mon ex-mari. Il faut dire qu’il avait joué un rôle, positif, dans sa vie.
Je ris, parce que depuis longtemps maintenant, ouf, ça ne me fait plus mal de parler de lui. Je lui dis où il habite, et qu’il va bien.
“La prochaine fois que tu y vas, tu m’emmènes – il me tutoie dans une phrase et me vouvoie dans la suivante – je lui dirai bonjour chez lui. Et puis vous lui direz aussi : je fais brûler des cierges pour lui ici à l’église, des cierges à un euro !”
Ce soir, j’ai pensé à notre simple et à ses cierges à un euro, brûlés pour quelqu’un qu’il n’a plus vu depuis tant d’années, et à qui il m’associe encore.
Sa place était vide.
La place devant moi, comme dans l’évangile…
2 commentaires
La place devant vous m’appelle à remarquer la place à côté de moi.
Vide elle aussi et pas pour cause de maison de retraite,
Vide parce qu’il faut bien que d’une manière ou d’une autre, quand on a vécu longtemps des eucharisties côte à côte, On se retrouve seul à côté d’une chaise vide
Parce qu’on ne sent plus sa main droite pressée par une main gauche
Parce le baiser de paix n’est plus aussi un baiser d’amour
Une chaise vide, un assiette vide, une place vide dans le lit ou dans la voiture
Et un immense vide dans le cœur.
Et le pire, ce sont ces conseils faciles, gratuits qui se veulent bienveillants.
“Vous devriez…” et tout y passe: prier, voyager, lire, écrire ou… retrouver une compagnie.
Ces marchands de rustines pour cœurs dégonflés me donnent la nausée
Comme si ce vide là, pouvait se combler.
Pourquoi vouloir toujours parler quand il n’y a rien à faire, rien à dire ?
Je ne puis que vous offrir mon écoute, ma compassion et le silence du Samedi saint, Jean. C’est vrai que toutes les autres paroles sont souvent superflues…