Quelque chose me retenait de rédiger ce billet.
Quelque chose m’y encourage, notamment une discussion, cette semaine, avec deux jeunes adultes en quête d’authenticité spirituelle.
Au fond de moi, depuis longtemps, je revendique un droit à la contestation de certaines doctrines catholiques.
Je ne le fais pas à la manière d’une personne extérieure à l’Eglise catholique, ou à moitié dedans, ou indifférente à ce qui s’y joue… Non, bien au contraire. Je suis complètement “dans” l’Eglise. Pratiquante tout à fait régulière de la toute petite enfance jusqu’à la vingtaine, et à nouveau depuis un retour à la foi fort il y a environ vingt ans. Engagée dans ma paroisse en divers petits services, je lui donnerais plus de temps si mes obligations professionnelles et familiales m’en laissaient.
Mon propos n’est donc pas d’ironiser sur une Eglise dont je ne serais pas partie prenante. C’est parce que je suis plongée en elle, que j’ai un grand besoin des sacrements dans ma vie spirituelle et quotidienne, que je porte certaines de ses contradictions comme une lourde croix.
Depuis des années, je tente d’exprimer mes objections à l’intérieur même de l’Eglise, en recherchant l’écoute et la compréhension de personnes consacrées. J’ai été accueillie, écoutée, respectée, mais je me suis presque toujours heurtée à un obstacle insurmontable quand je remettais en question certains points de doctrine. “C’est la foi de l’Eglise” a été l’objection définitive explicite ou implicite. Et je suis restée seule avec non pas mes doutes mais mes convictions profondes contrariées, priées tacitement d’être refoulées.
En Eglise, là où il y a une pensée libre, il y a aussi une menace : l’accusation d’hérésie. Et l’application de cette menace est l’excommunication, arme redoutable.
Tout cela ne serait pas bien grave si je me taisais. Mais en assumant une parole publique, je sais que je prends un risque. Et je le mesure. Une excommunication, pour moi qui suis si profondément attachée à l’eucharistie et au sacrement de la réconciliation, serait un summum de souffrance.
J’ai donc planté le décor.
Si je revendique un droit d’inventaire sur la doctrine catholique, c’est qu’en tant que femme, je n’ai aucun moyen d’influer sur elle. Il y a des femmes docteurs de l’Eglise, certes. Mais combien ? Et combien de décennies voire de siècles après leur mort ? Y a -t-il des “Mères de l’Eglise” auxquelles on pourrait se référer ? Non. Mais on se réfère de manière obsessionnelle aux “Pères de l’Eglise” qui ont rendu intouchable le magistère. Or ce magistère a été tricoté presque exclusivement par des hommes au long des siècles, des apôtres aux papes en passant par les évêques.
Ici, je rappelle une fois de plus que je ne suis pas favorable au sacerdoce des femmes, là n’est pas mon propos. (Voir ce billet : https://www.histoiredunefoi.fr/blog/6448-au-sujet-de-lordination-des-femmes )
Je souligne simplement qu’un magistère élaboré par des hommes masculins est forcément imprégné de psychologie masculine et donc, à un moment ou à un autre, défavorable aux femmes, ou du moins empreint de méconnaissance des femmes.
Dans l’esprit de beaucoup de catholiques, contester le magistère, c’est faire preuve d’orgueil. Je voudrais retourner le propos : qu’est-ce qui est orgueilleux, sinon se réunir entre hommes – exclusivement – pour décider qu’un jour un homme élu par des hommes sera infaillible en ses propositions concernant la doctrine ? Dans une telle configuration, où est la place laissée à l’inspiration spirituelle féminine ? Elle ne sera toujours validée que par un collège d’hommes, ou semblablement invalidée que par objection d’un ou plusieurs hommes d’Eglise. En tant que femme, dans l’Eglise catholique, qu’on soit laïque ou consacrée, on dépend toujours, spirituellement, en recours ultime, d’un homme.
Et je m’érige contre ce fait. Car je considère que la doctrine catholique a été confisquée à la moitié de l’humanité. Quand, nous femmes, avons-nous eu notre mot à dire sur les dogmes et les propositions de foi ? Quand avons-nous pu émettre un droit de véto sur certaines doctrines et interprétations des Ecritures ?
Je connais d’avance la réponse que l’on me fera : c’est l’Esprit Saint qui guide l’Eglise.
Je ne suis pas d’accord pour considérer que l’Esprit Saint puisse ne s’exprimer qu’à travers le filtre mental d’une seule moitié de l’humanité. Que les hommes imaginent un seul instant que la situation soit inverse depuis la nuit des temps, qu’en tant qu’hommes, ils n’aient jamais eu leur mot à dire sur la doctrine catholique. Ils seraient scandalisés ! Et à juste titre… C’est pourtant ce que nous, femmes, subissons depuis toujours.
Je finirai ce billet pour aujourd’hui en affirmant que le premier dogme que je conteste, c’est celui de l’infaillibilité pontificale. Parce qu’il est tout simplement impossible de prétendre qu’en recours ultime, ce sera toujours un homme – au sens masculin -, fût-il pape, qui détiendra la vérité définitive sur une question de foi.
5 commentaires
Qui sommes-nous pour revendiquer. Tout nous est donné par amour sans mérite de notre part
Bonjour Père Jean, et merci pour votre passage ici.
Je suis un peu étonnée que vous répondiez par un “nous” là où j’ai risqué un “je” que j’assume pleinement. Ce que j’ai exprimé dans ce billet, c’est une position personnelle que je ne tiens d’aucun groupe d’influence et que je ne demande même pas que l’on partage.
Vous estimez peut-être, quant à vous, que tout vous est donné.
Ai-je remis en cause les dons de Dieu ? Certainement pas. Dieu est infiniment bon et généreux, ce n’est certainement pas Lui que je remets en question.
Ce que je remets en cause, c’est le fait que tout le magistère et les décisions de gouvernance de l’Eglise ne soient élaborés que par des hommes – et en l’occurrence, comme me le suggérait intelligemment un ami, pas seulement par des hommes, mais en fait surtout par des clercs.
Je rappelle pour la énième fois que je ne suis personnellement pas favorable au sacerdoce des femmes. Le vrai problème, c’est qu’elles soient à la fois exclues du sacerdoce ET des instances décisionnelles de l’Eglise au sommet de la pyramide.
Vous me répondez en tant que prêtre et en tant qu’homme : que pouvez-vous à ce titre ressentir de cette exclusion profonde des femmes de tout ce qui relève de la Tradition ? Vous n’êtes ni femme, ni laïc pour le comprendre en profondeur.
Donc, je ne vois pas en quoi votre réponse en “nous” pourrait concerner mon propos.
Cela dit avec tout mon respect. On peut encore débattre, c’est même ce que je souhaite ici.
N’est-ce pas en raison de cette injonction” femmes soyez soumises à vos maris” proclamez dans l’épitre aux éphésiens que nous soyons traitez de “mineures”? Pourquoi n’est -il pas dit aussi “hommes soyez soumis à vos femmes”. Certes il est demandé à l’homme de chérir sa femme mais cela ne semble pas suffisant pour traiter à égalité l’homme et le femme.
Bonjour Brigitte,
Personnellement, j’ai fait la paix avec cette parole… non pas de Dieu, mais de l’apôtre Paul.
Je pense qu’en fait, il y avait un certain réalisme en saint Paul : je constate autour de moi – et sœur Emmanuelle le soulignait aussi dans un de ses livres – qu’un couple a plus de chance d’être durable quand la femme manifeste une certaine soumission à son mari. Pourquoi ? Parce que l’homme masculin est foncièrement orgueilleux et a besoin d’être admiré et obéi, cela flatte son ego.
Les femmes qui se rebellent contre cet état de fait et qui n’acceptent pas de se compromettre avec les insuffisances morales de leurs maris les perdent souvent… Il faut savoir quelles sont ses priorités dans la vie : être soi dans son intégrité psychique et morale, au risque d’être seule, ou plaire coûte que coûte à un mari pour le garder…
Merci Véronique de votre réponse.Dans l’ensemble je partage votre opinion. C’est vrai, la plupart du temps c’est bien souvent la femme qui doit se” plier” pour que le couple perdure.Dans le cas contraire (cela arrive) l’homme fait en sorte que cela soit discret.
Il n’est pas question de nier les dons de Dieu ,je ne comprends donc pas le commentaire précédent.C’est à nous de mener notre barque avec l’aide de Dieu, sans oublier notre capacité à discerner , puis de retenir ce qui est bon pour poursuivre notre chemin ici-bas.