J’avais besoin de “faire Eglise”. De prier avec mes amis paroissiens pour le Père Jacques Hamel sauvagement assassiné en pleine messe ce matin, pour les fidèles de sa paroisse et pour notre pays meurtri dans sa chair, au cœur de ce qu’il a de plus gratuit, de plus donné.
Cette messe de 18h dont les obligations professionnelles me privent si souvent, et parfois, aussi, le manque de volonté, ce soir, j’en avais grand besoin.
Je suis entrée dans l’église vide. Personne, et un autel non apprêté pour une eucharistie.
C’est vrai, notre curé est parti aux JMJ. Aujourd’hui, visiblement, il n’y a pas de prêtre pour le remplacer.
Je me suis assise quand même à ma place habituelle, et j’ai essayé de prier. Essayé. Les mots se nouaient dans ma gorge. J’avais les yeux fixés sur le vitrail dans le chœur, cette scène du martyre de saint Etienne si peu incongrue aujourd’hui. Le martyre. Rendre à ce mot sa signification première. Mourir pour sa foi et non pas tuer pour elle. Pour elle ? Belle excuse pour libérer de soi les forces viles de la haine et du mépris. Belle excuse pour s’adonner aux pulsions meurtrières les plus abjectes que l’homme porte parfois en lui.
Ils sont morts, eux aussi, oui. Mais ils ont d’abord tué l’innocent.
Des visages se succédaient dans mon esprit. Mon papa, le même âge que le Père Jacques. Mes amis prêtres, certains plus âgés que lui, avec lesquels j’aime correspondre. Vies données. Vies enfouies dans la vieillesse. J’ai médité les mots de l’un d’eux, reçus dans l’après-midi en réponse à mon message de sympathie : Jésus n’a pas promis le Ciel sur terre à ses disciples, mais bien la Croix et la persécution.
Jamais le vitrail du martyre de saint Etienne ne m’a parlé avec autant de force qu’aujourd’hui.
Ma prière se desséchait.
Alors j’ai allumé une veilleuse dans le sombre de l’église, et j’ai regardé la flamme vacillante en l’offrant au Père Jacques, et à papa, et à Père Charles, et à Père Gabriel…
Seigneur, prends pitié !