Je suis entrée, presque sur la pointe des pieds, comme en avance, comme par curiosité. Une bonne odeur de propre, le sol vitrifié, un drap jeté sur nos ordinateurs, un vœu de plus de dix années exaucé : des panneaux d’affichage en liège au lieu des lattes de bois dur, et puis le silence, le grand silence d’une école toute vide, sans élèves et sans adultes. Seulement moi, comme une présence incongrue à trois semaines de la rentrée.
J’ai foulé précautionneusement le sol brillant et je me suis sentie bien, là, dans cet autre chez moi où je passe tant et tant d’heures de labeur et aussi de joies.
Les tables étaient alignées exactement comme sur le plan que j’avais dessiné au tableau en juillet. En trois groupes pour trois cours, vingt et une tables seulement, il y a plus d’espace et il y aura moins de stress cette année. Et moins de corrections. J’esquisse un sourire, le recommencement s’annonce, j’ai rechargé les batteries épuisées de juillet et l’envie est là qui revient.
Fureter dans mes rangements un peu sommaires d’une fin d’année scolaire éreintante, faire le tri, patiemment, des documents réutilisables, m’installer au bureau tout propre et pas encore encombré de paperasses urgentes et de classeurs lourds de préparations. Rester là presque deux heures, dans le silence, à trier, et puis avoir la chance de me dire que c’est bon pour aujourd’hui, mais que voilà, je reviendrai, il y a encore à faire, et ce sont des heures que j’aime assez, quand je peux me taire ici dans la ouate des bruits lointains de la rue, et que j’avance à mon petit rythme dans des tâches pas trop désagréables.
Je referme précautionneusement la porte et le portail, et je regagne ma voiture, présence anachronique sur ce parking. Quelques vélos passent… Visages un peu gênés qui font semblant de ne pas me voir. Pas de crainte les enfants, vous êtes encore en vacances ! Je ne faisais que passer…