Depuis longtemps déjà, il n’y a plus chez moi une épaule sur laquelle m’appuyer, une épaule contre laquelle pleurer aux jours d’épreuve et de détresse. J’y suis habituée, je m’en suis accommodée. Plutôt bien que mal.
Mais parfois, le quotidien est vraiment trop lourd, le travail dévorant, la tâche immense, et il y a tous ces grains de sable dans les rouages quand on travaille avec de l’humain et non des chiffres ou du papier. C’est comme d’être confronté à un concentré de problèmes sociaux dans un microcosme, certes, mais où rien n’est anodin car l’humain en face de nous est un enfant, avec sa candeur et ses contradictions, avec sa santé et ses pathologies déjà prégnantes, parfois tentaculaires et totalement déstabilisantes.
J’étais à bout de force, d’idées pour faire face, et de courage.
Elles l’ont compris. Les conseils ont plu. Les bons, les recevables, et puis ceux qui se contredisent les uns les autres et qui finissent par empêcher de dormir.
J’ai rallumé la lumière. Pour une fois, c’était trop dur, vraiment, de ne pas avoir une épaule contre laquelle pleurer. Les larmes sont venues quand même.
Alors j’ai pris cette image de Toi que j’affectionne, Toi en prière à Gethsémani, Toi qui lèves les yeux au ciel car plus aucune oreille n’est là pour t’écouter, plus aucun cœur ne veille pour t’accompagner.
Je t’ai pleuré ma douleur, mes doutes, ma si grande fatigue, je t’ai pleuré mon impuissance face à l’imprévisible d’un si petit, je t’ai pleuré aussi mon amertume devant ton silence et ton incoercible absence.
Tu sais te choisir une âme et te la ravir. Tu sais te la réserver toute à Toi.
Mais du coup, il n’y avait aucune épaule, là, aucune oreille ni aucun cœur compatissant. Alors, à ton image, j’ai fait une petite scène de ménage. Des reproches amers et des appels au secours désespérés. Et j’ai pleuré jusqu’à vider mes yeux.
Plus tard, quand même, le sommeil est venu.
Et au matin un coup de téléphone.
Elle s’était un peu reposée sur l’épaule de l’homme qui partage sa vie. Et il l’avait aidée à nuancer son discours et ses “bons” conseils de la veille. Et elle avait fini par trouver que je suivais peut-être, dans mes balbutiements de décision, le bon chemin.
Au matin, un soulagement. Une journée qui se passe bien, dans l’apaisement. Une espérance qui se faufile comme le soleil entre les lames des rideaux.
J’ai repensé à ma scène de ménage devant ton image.
A Ta façon, qui n’est jamais celle de la rancune ni du statu quo, tu avais bien agi. Pour moi, pour ma donneuse de conseils, et pour cet enfant.