Ils sont quarante écoliers de 6 à 11 ans, vestes bien fermées et bonnet sur la tête, deux maîtresses, des accompagnateurs volontaires, les valises vite vite dans la soute et c’est parti pour quatre jours de classe de découverte en pleine nature dans les hauteurs d’un paysage montagnard enchanteur. Partir juste avant les vacances de Noël, il fallait oser. On pouvait s’attendre à tout et à n’importe quoi du point de vue de la météo. La neige nous a fait faux bond, petites modifications du programme de la semaine. Pour la peine, un grand et franc soleil, quelques degrés de plus que dans la plaine noyée de brouillard et des paysages à couper le souffle.
La chance d’avoir un éducateur pédagogique hors pair, capable de répondre à n’importe quelle question sur ce milieu naturel, amenant ses connaissances d’une manière humble, assurée et captivante, et nos petits qui apprennent à reconnaître et à observer les oiseaux en quête de nourriture près de l’affût, à toucher l’écorce des arbres, à goûter les petites graines des faînes, à froisser les épines du sapin de Douglas entre leurs doigts pour humer l’odeur de citron qui s’en dégage, à observer les trous faits par les pics épeiches dans les troncs, à distinguer sur le chemin les crottes du chevreuil de celles de la fouine, du sanglier et du renard… On avance en grand silence par des petits sentiers en sous-bois dans l’espoir de croiser un de ces animaux. On part aussi en randonnée un peu plus en altitude pour surprendre, batifolant sur les parois, des chamois en liberté.
Une autre balade encore, deux tables en bois posées dans un décor de rêve dont on va colorier la reproduction rien qu’avec des éléments naturels : de l’herbe, de l’écorce, un bout de charbon de bois, un caillou enduit de terre…
Quand les petits doigts s’engourdissent, on redescend prendre une tisane et un goûter et on va au chaud mouler des empreintes de cerf, de renard ou de loup. On observe un squelette de blaireau et des bois de cerfs et de brocards.
Et puis pour nos petits sportifs, plusieurs séances d’escalade, les plus grands ayant la chance inespérée, le temps étant beau, de gravir le grand mur extérieur. Fierté insurpassable quand ils arrivent tout en haut et peuvent contempler la vallée et ses traînées de brume de l’autre côté, en contrebas. Redescendre courageusement en rappel, comme ils viennent de l’apprendre.
Il y a les petits débriefings en cercle le soir, dans une salle de classe où on exprime ses préférences, ses progrès, ses attentes. Un peu – très peu – de travail sur feuille pour faire tomber l’excitation et garder quelques traces de ce séjour qui sera de toute façon inoubliable. Les nuits en chambres ou en dortoir qui se passent tant bien que mal. Les adultes sollicités en permanence, épuisés, rêvant d’une pause d’un quart d’heure qui ne s’offre providentiellement qu’un jour sur deux.
Mais des sourires, de la bonne humeur, des langues qui se délient, des liens qui se créent, des yeux qui s’écarquillent devant tant de découvertes, des enfants qui bougent et courent dehors et qui ne pensent même plus à la frénésie de Noël, là, en bas, dans le monde.
Je ne sais même pas ce qu’il s’est passé sur la planète depuis quatre jours.
Et puis tiens, je m’en trouve très bien.
Je redoutais cette classe de nature qui était pour moi comme l’après-dernière. Et me voilà le cœur gonflé de joie d’avoir relevé le défi et de penser à mes quarante petites lutins aux sourires pleins de santé et qui ont tant appris, le temps de remiser un peu les manuels scolaires au fond de leurs cartables…