Comment en parler avec pudeur et retenue, mais aussi avec la nécessité brûlante du témoignage?
Deux étapes : Pâques 2011 et la fête de Notre-Dame du Mont Carmel le 16 juillet 2011.
Quand mon mari – mariage civil – m’a quittée en 2004, je n’avais que 40 ans et trois enfants à charge. Et j’étais convalescente. Il m’en a fallu, de la force et du courage pour reprendre aussitôt le travail de peur de me faire retirer même mes enfants ! Car c’était son projet initial, bien que contradictoire avec ses désirs de vivre une nouvelle jeunesse, sans moi, potentiellement avec une autre…
J’ai lutté contre ma fragilité, j’ai lutté pour mes enfants, nous n’avons mis en place des résidences alternées que bien plus tard, quand les grands sont entrés au lycée.
Quand vous vous retrouvez solo à 40 ans, tout le monde y va de son petit couplet : “Tu referas ta vie ! ” expression que je déteste d’ailleurs entre toutes.
Puis il y a eu un très grand amour et une très grande désillusion. Je commençais à comprendre qu’un homme, même gentil, même épris de moi et moi de lui, me déstabilisait profondément. Je suis revenue à ma solitude et de là, à ma sérénité, mais je n’avais pas encore compris à ce moment-là que la vie de couple ne serait plus jamais pour moi.
Il a fallu une autre relation de quelques mois plutôt moche, inintéressante, envahissante et irrespectueuse de ma personne pour que je me décide à rompre un soir de mars 2010. Je lui parlais de mon grand souci pour ma mère malade, il me répondait des banalités visant plus à se débarrasser de la question qu’à me rassurer. Il y avait une petite distance géographique entre nous. Ce fut donc un mail de rupture de ma part, avec en retour une réponse assez basse.
Le lendemain matin, j’avais un message sur mon répondeur téléphonique.
Ma mère était décédée dans la nuit.
Horreur d’un instant qui marque pour toujours.
Pâques suivit, et je compris que ma décision de rupture avait été un très fort appel de l’Esprit Saint. Car outre le fait de ne pas m’aimer pour moi-même, cet homme divorcé d’un mariage à l’église me privait d’Eucharistie.
Je retrouvai l’immense consolation de la table eucharistique, sans laquelle je n’aurais pu traverser sereinement ce deuil extrême.
Il était tout à fait clair pour moi désormais que la communion avec le Seigneur m’importait bien plus qu’une liaison avec une créature, toujours décevante.
Un an plus tard, je confessai à un saint homme d’Eglise que je me sentais comme la Samaritaine qui désormais renonçait à tout “mari”. Il était très âgé et me confessait souvent, son visage s’est illuminé d’un grand sourire et il m’a serrée dans ses bras. Je venais de prendre un engagement vertigineux, à l’âge où d’autres batifolent ou se remarient. Je savais aussi que j’embrassais définitivement la solitude dans ma vie de mère et la précarité financière.
Je n’ai jamais voulu me faire embrigader dans un Ordre et faire de la publicité autour de ma décision. Il fallait néanmoins que je consacre mon vœu de manière un peu plus aboutie.
Un sanctuaire trois mois plus tard. Il faisait un temps superbe, c’était un samedi. J’avais décidé que ce serait ce jour-là, une manière de me mettre sous la protection du Carmel dont la spiritualité m’est chère, car c’était un 16 juillet. Confessions proposées tous les samedis, je n’ai donc pas pris rendez-vous.
Je n’avais pas prévu que ce jour-là, il y aurait un mariage dans l’église du sanctuaire. Une mariée superbe, parée comme une princesse, une assistance manifestement fort bourgeoise.
Et moi j’étais assise devant le Christ en Croix, dans la salle attenante, et j’attendais que quelqu’un veuille bien me confesser. Le chapelain était très énervé. Une pénitente un jour de mariage ! Comme s’il n’avait que cela à faire ! “Bon, me dit-il de fort mauvaise humeur, je vous consacrerai dix minutes entre le mariage et la messe, mais pas plus !”
J’étais assise devant le Christ en Croix, au bord des larmes dans ma prière, entre le tombeau d’une sainte que je vénère et une célébration de mariage dont j’entendais chaque parole et chaque chant. Une religieuse passait et repassait devant moi consternée, se disant que j’avais sans doute un très lourd péché sur la conscience pour rester là patiemment, plus d’une heure.
J’étais complètement mortifiée. Ceux-là se mariaient, et moi j’allais donc promettre de ne jamais plus le faire devant un chapelain très mal disposé à mon égard ! J’avais envie de fuir, je luttais dans la prière.
Dix minutes oui, pas plus, dans la sacristie, et je lui ai demandé de consacrer mon vœu.
J’en suis sortie libérée de ma lutte intérieure, et j’ai contourné le parvis où la reine du jour se faisait prendre en photo sous toutes les coutures.
Je suis redescendue du sanctuaire montagnard, la joie au cœur. Je l’avais fait !
Cela va faire six ans. Jamais je n’ai rompu mon vœu. Jamais personne ne m’en a félicitée, peu d’ailleurs le savent vraiment.
Mais s’en est suivi un torrent de grâces de la part de mon unique Epoux.
6 commentaires
Le chant de Noël serait dû à Jean-François Dandrieu (1682 – 1738 ) mais la musique viendrait de Marc-Antoine Charpentier ( 1642 – 1704 ) ) ? La source n’est pas claire mais le chant l’est.
Je n’ai pu en trouver que deux couplets mais le choeur anglais semble en connaître bien davantage. Voir p. 8 de :
https://francisjacoblesite.files.wordpress.com/2013/08/programme-concert-noecc88l.pdf
En voici le premier :
Vous qui désirez sans fin Ouir Chanter,
Que votre Dieu est enclin A écouter
Notre prière et complainte Tous les jours;
Quand nous invoquons sans feinte Son secours.
Ah, ils savaient y faire, nos aîeux ! Et cette poésie du vieux français…
” Notre prière et complainte tous les jours “, ça doit vous dire quelque chose, n’est-ce pas ?
Et pour rester encore un peu dans le temps de Noël, voici mon Magnificat préféré :
https://www.youtube.com/watch?v=GvQ1YRN5Pr8
Merci vraiment pour votre bénédiction. J’aimerais bien vous la rendre mais je n’ose. Vous êtes bénie.
Véronique,
J’ai essayé en vain de vous envoyer par la messagerie de contact mon commentaire sur votre “Histoire d’une foi”. La messagerie refuse l’envoi malgré répétitions de la formule de contrôle ( “je ne suis pas un robot”). Je l’envoie donc par le biais de cet article auquel il ne correspond pas, quoique…
Bonsoir Véronique,
Je viens de terminer la lecture de votre récit de vie et j’en reste émerveillé. Que c’est vrai , que c’est beau, que c’est haut !
Je vous le dis très sincèrement car je n’ai guère d’aptitudes pour la mystique – je suis plutôt guerrier et rationnel – mais je suis très sensible à la beauté et à la vérité et je les ai trouvées ici.
Le ton est juste, je m’y trompe rarement, et il ne saurait être comparé aux mièvreries que vous savez.
J’ai relevé en outre quelques similitudes entre votre vie et la mienne, coïncidences qui ne sont peut-être pas le seul fruit du hasard, comme vous l’avez aussi deviné.
Je suis encore loin d’avoir atteint votre niveau d’évolution mais je sens que cette lecture va m’y aider un jour.
” Grâce inattendue “, en vérité. Votre souhait final est exaucé.
Pour vous donner une idée du bonheur que j’en éprouve, écoutez donc cet air ancien de Noël qui m’a toujours ravi. Merci Véronique.
https://www.youtube.com/watch?v=nsvuMjzGAUU
Eleison
Merci infiniment Eleison, vous message me touche au plus profond du cœur.
J’ai écouté le chant de Noël, il est magnifique, je vais essayer d’en trouver les paroles pour mieux le comprendre.
Je vous écrirai plus longuement cet après-midi.
Soyez béni !
Merci beaucoup Eleison de votre visite et de ces mots, oui je pense que nous avons encore à échanger. Vous êtes le bienvenu ici !
Merci également à Claire, votre fidélité au blog m’est un grand réconfort !
Bonjour Véronique,
Ayant eu le plaisir de vous croiser sur le site du “Docteur Angélique”et d’y constater une certaine convergence de vues , je me suis permis de visiter le vôtre dans l’espoir d’en trouver d’autres. En effet, l’ordinaire de l’autre site est plutôt celui d’un champ de bataille et j’éprouve quelquefois le désir de déposer mon armure.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu, à commencer par le présent témoignage. Jamais je n’ai lu une nouvelle dans ce genre, aussi originale qu’authentique. C’est non seulement émouvant mais véritablement interpellant. J’en ai tiré grand profit, même et surtout sans doute si nos situations sont fort différentes, et je vous en remercie.
Je continuerai à vous lire.
Eleison
Merci de votre très émouvant témoignage, Véronique