Dans la salle d’attente, un petit bonhomme, deux ans maximum, il ne parle pas encore. Il est plutôt sage. Il va de sa jeune maman au coin jeu, traîne jusqu’à elle la caisse de gros Lego, elle lui construit une tour et il la détruit avec délectation. Puis il range tout, soigneusement, tandis qu’elle pianote sur son smartphone. Il revient vers sa mère.
“Je joue, tu veux jouer avec moi ?”
Elle le prend sur ses genoux et il pianote à son tour, au hasard semble-t-il. Les lumières qui se succèdent le font sourire. Ça le captive plus que les Lego. Elle l’installe au fond d’un siège et lui laisse le smartphone entre les mains. Et moi je le regarde, éberluée, faire tous les gestes des doigts sur l’écran tactile que mes grands enfants ont eu tant de mal à me faire comprendre, quand récemment je me suis résolue, à contre-cœur, à délaisser mon vieux téléphone à clavier azerty pour en acquérir un. Voilà un petit bonhomme d’une vingtaine de mois qui maîtrise déjà mieux que moi les technologies nouvelles !
Tout cela me laisse songeuse, surtout quand arrive une dame qui les rejoint et qui peut être sa grand-mère. Le bambin fonce vers son sac à main. Je me dis “Classique, un gamin qui rêve de déballer le sac à main d’une femme qu’il aime…” Mais non, elle aussi, elle en sort aussitôt son smartphone, c’est bien ça qu’il savait là et qu’il convoitait. La mamie l’allume puis lui dit d’un air désolé : “Non, tu vois, le jeu que tu veux ne marche plus.”
Déçu, il retourne vers celui de sa mère.
Et moi de me dire que dans trois-quatre ans, quand il sera assis devant un cahier qui ne clignote pas avec dans la main un crayon qui ne fait que ce qu’on le conduit à faire, il sera peut-être bien déçu et bien ennuyé aussi…
1 commentaire
Confirmation dans : http://lesakerfrancophone.fr/lenfantement-des-ecrans
En voici la conclusion : L’instantanéité semble devenir la règle de vie, et les plaisirs comme les désirs, désorganisent des liens sociaux et les font disparaître dans la grande soupe du virtuel. Nos relations deviennent conditionnelles et mécaniques, filtrées par nos écrans de smartphones. Sous couvert de nous rapprocher, les écrans nous ont éloignés les uns des autres, et plus encore de nous-mêmes ainsi que du monde réel de la vie.