Il y a des solitudes subies, amères, aigries. Des solitudes humiliées, des solitudes interminables, des solitudes vindicatives, des solitudes culpabilisantes.
La mienne n’est rien de tout cela. Elle est comme un retour aux origines. Je suis à un point de ma vie où j’ai davantage vécu seule qu’en couple. Bien sûr, j’avais mes enfants avec moi, mais ils sont partis l’un après l’autre, progressivement, sans tapage, sans heurts et sans larmes. Maintenant, ils reviennent de temps en temps ou restent un peu, en pointillés. C’est doux et bon quand ils sont là, mais ma vie ne s’est pas arrêtée parce que la solitude s’y est installée.
Quand on est en paix avec soi-même, on peut être en phase aussi avec sa solitude. “Je m’en suis fait presque une amie, une douce habitude…” comme chantait notre cher Georges Moustaki. Oui, c’est bien cela.
Ne rien devoir à personne. Ne rien en attendre non plus. Ne plus être meurtri par le néant des mots ou des gestes qu’on aurait désirés et qui ne venaient pas, bien que quelqu’un soit là.
Aller son petit bonhomme de chemin, l’esprit tranquille, décider soi-même de son lever, de son coucher, de ses menus et des dépenses qu’on engagera ou pas.
Avoir la fierté de résoudre seul les mille et uns tracas du quotidien. Grandir dans la prise de décisions responsable. Demeurer au calme, loin des tensions et des éclats de voix. Ne plus avoir à composer avec l’inconséquence, l’égocentrisme, la présence-absence.
Il y a une vraie chance de sérénité dans la solitude. Une sagesse, une maturité qui ne vont pas de soi. Une grandeur d’âme qui peut faire de soi un solitaire solidaire.
Mais à vrai dire, je triche un peu. Ma solitude est habitée, oh combien ! La prière continuelle est devenue mon art de vivre au quotidien, quand s’apaisent les trépidations de la vie professionnelle. Rentrer chez soi pour le silence d’un cœur à cœur avec une Présence ineffable. Croiser son regard bienveillant sur l’icône ou le crucifix pour n’oublier ni sa douceur, ni l’extrême du don de sa Personne.
Avoir la solitude habitée, consentie, mûrie comme un fruit ultime de la foi. Avoir la solitude heureuse. Oui. Cela existe.
4 commentaires
J’ai lu et relu ce texte plusieurs fois. Je l’ai placé dans mes favoris, pour y revenir, me laisser happer et être toujours davantage imprégnée de ces mots, leur(s) pouvoir(s), leur justesse et la résonance extrême qu’ils suscitent en moi. Je suis souvent interpellée, “appelée” devrais-je peut-être oser, par vos écrits, vos analyses et interprétations d’évangile Véronique. Ceci m’est envoyé juste à point, merci. Vraiment. Candice
Merci infiniment Candice, on hésite parfois à écrire l’intime, mais si votre cœur en a été touché, j’en suis comblée à mon tour…
Souvent, je n’ai pas été comprise dans ma démarche sur les réseaux catholiques, et pourtant, je n’ai qu’un souci : réconcilier avec la foi en Christ, soutenir mes sœurs en humanité qui ont parfois du mal à trouver leur juste place dans l’Eglise… C’est une démarche de longue haleine, l’écriture m’aide moi-même, et si elle peut aussi aider autrui, alors elle trouve sa vraie raison d’être. Merci à vous.
Quel beau texte et combien je me retrouve en tout ce qui est écrit. Merci en ce jour de l’Ascension du Christ, c’est vraiment un beau cadeau.
Christine K.
Merci à vous Christine, cela me touche ! 🙂