Rien que leur nom est joli, je trouve. Lupins, lutins, mutins…
Ce sont les sentinelles de l’été. Et pour moi, une vraie madeleine de Proust.
Partout où passait ma grand-mère maternelle, il y avait des lupins. On aurait dit qu’elle avait des graines de lupins qui lui poussaient entre les doigts. Elle savait les faire venir partout comme personne. Elle a déménagé plusieurs fois, dans sa vieillesse, et repoussaient les lupins dans le nouveau jardin. Je crois que je n’ai pas connu ma grand-mère au début de l’été sans une foison de lupins là où elle vivait. Alors, impossible en les voyant de ne pas penser à elle. C’était d’ailleurs le vrai paradoxe de cette femme : elle pouvait être très dure avec les siens, vraiment très dure, jusqu’à la criante injustice aux conséquences dévastatrices, mais ses mains rustiques et inlassables au travail étaient des fées des fleurs qu’elle aimait voir pousser partout dans les recoins de ses jardins successifs. Et je ne crois pas qu’elle ait acheté, dans sa vie, beaucoup de plants : elle faisait tout pousser par des semis bien calculés.
Pour ma part, je n’ai jamais été une chanceuse des lupins. Deux maisons et deux terres qui leur sont inhospitalières. J’avais renoncé, jusqu’à ce que ma sœur, fée des fleurs elle aussi, m’apporte de tout petits plants l’année dernière. J’ai bien enrichi leur terre et les voilà gaillards ce printemps, et ils risquent leurs premières fleurs ces jours-ci ! Je m’en réjouis comme une petite fille.
Lupins en fleurs, grand-mère partie depuis de longues années…
Lupins en fleurs, grand-mère pardonnée depuis quelques étés.