Cette année, mon cerisier ploie sous le poids des fruits. Mon voisinage s’étonne : il a donc résisté aux gelées ? Ce cerisier-là est un petit miracle : il s’arrange pour offrir toujours une récolte le jour de la fêtes des mères. Bien pratique quand mes enfants me rendent visite, et que mon fils, plus téméraire que moi, monte dans ses branches pour m’aider à la récolte. La récolte, que dis-je ? Cet arbre est si haut et si fantaisiste dans sa forme qu’au moins 95 % des cerises sont perdues pour nous. Mais finalement, cela ne déplaît pas tant, d’offrir une nourriture goûteuse aux oiseaux du ciel. Les merles ont élu domicile ici : ils savent que la place est généreuse et qu’ils ne seront pas chassés, pas même par le chat paresseux.
Cette année, le panier se remplissant vite, j’ai ressorti l’énorme stérilisateur qui doit avoir au moins mon âge. Je ne sais plus en quelles circonstances m’a maman me l’a donné, mais c’est bien chez moi qu’il demeure désormais. Et me voilà à jouer les campagnardes prévoyantes : équeuter patiemment, laver, remplir les bocaux de fruits à attendre longtemps que l’eau se mette à bouillir et que la stérilisation se fasse. C’est tout un cérémonial au goût d’enfance, quand je passais, avec mes sœurs, tout l’été à égrapper des groseilles et à effiler des haricots que notre mère transformait en confitures et en conserves pour les longs mois d’hiver. Retrouver ces gestes de tradition et de bon sens. M’inscrire dans la lignée de mes ancêtres, tous agriculteurs.
Voilà, l’eau bout, la température monte dans le thermomètre archaïque mais encore fiable, je peux me reposer à la fois de la semaine et du labeur que ces petits travaux représentent, et me réjouir à l’avance des salades de fruits de l’hiver pour les moments de convivialité qui s’offriront.