Tandis que je fais mes courses à la supérette du village voisin, j’entends une voix souriante : “Bonjour Véronique, tu vas bien ?” Boucles folles autour d’un beau visage, il pousse un large balai de façon décidée. Je mets un moment à le reconnaître, ah mais oui, promo CE1 2005-2006, je m’en souviens très bien, de celle-ci, puisque c’est celle de ma fille.
“Tu travailles ? C’est bien !
– Oui, il faut que je paie mes études ! ”
Rapide dialogue pour ne pas le compromettre dans son job d’été. Il est en prépa sciences-physiques et ça le passionne. Maintenant je m’en souviens, sa maman m’avait dit il y a quelque temps qu’il voulait être astrophysicien. Je revois le bambin un peu lent, qui ne finissait jamais son exercice, mais qui brillait aux évaluations de maths. Le voici qui trace sa route.
L’avantage d’être dans une école rurale près de son domicile, c’est qu’on a facilement des nouvelles de ses anciens élèves et qu’on les revoit de temps en temps. Il y a quelques années, ce jeune homme, je l’ai raccompagné un jour du lycée avec ma fille sans l’avoir reconnu ! Entre le petit garçon sage et l’ado aux cheveux longs…
C’est toujours émouvant, de les revoir adultes. Ils sonnent à la porte pour nous vendre le calendrier des pompiers… Ils viennent dans ma classe pour des travaux pratiques dans le cadre de leurs formations professionnelles… Il m’est même arrivé un jour, lors d’une courte hospitalisation, d’être soignée par une infirmière qui était une ancienne élève !
Ainsi va la vie. Je leur apprends à comprendre ce qu’ils lisent, à faire une addition et une soustraction, je leur inflige le calvaire des tables de multiplication à apprendre, je les emmène parfois en classe de découverte, et je les retrouve quelques années plus tard dans un beau cursus universitaire ou un métier qui leur plaît.
Dans ces moments-là, je mesure encore mieux la beauté du mien.