J’ai bien aimé l’homélie du prêtre qui a célébré la messe de l’Assomption chez nous ce matin. Sans nier que les images pieuses et les représentations de Marie mère tendre et aimante soient à la fois prégnantes et légitimes, il a dressé le portrait de la mère de Jésus à travers l’Evangile d’une façon juste et équilibrée, sans la grandiloquence et la mièvrerie qui accompagnent parfois le discours sur la Mère du Sauveur dans certains milieux catholiques. C’est un prêtre qui a été longtemps missionnaire dans d’autres cultures et qui poursuit son ministère plutôt “aux périphéries”, il n’est chez nous que pour ses congés d’été, mais toujours serviteur de l’Eglise, intensément. Il suscite aujourd’hui ma propre méditation sur Marie que j’aime et prie, mais telle qu’elle est et non telle qu’on la fantasme parfois.
Oui, Marie, femme subversive. Marie, si jeune, qui ose un “Oui” qui contrariera forcément son fiancé Joseph dans un premier temps, un homme atteint dans sa confiance et ses projections sur cette jeune fille accordée en mariage qui se retrouve soudain enceinte. Si Joseph n’était pas demeuré ouvert aux projets et aux signes de Dieu, Marie se serait retrouvée répudiée et reléguée au rang infamant dans cette tradition culturelle et religieuse de “fille mère”.
Marie femme de courage et d’initiative qui quitte seule Nazareth pour rejoindre sa cousine Elisabeth.
Marie qui ose, dans son “Magnificat”, les paroles bouleversant l’ordre bien établi, même en son temps. Marie qui vit son humilité plus qu’elle ne la proclame, et qui jamais ne la feint. Marie qui se soumet à un recensement de la population. Marie qui accouche dans les conditions les plus précaires. Marie qui émigre pour échapper à la colère d’Hérode. Marie qui perd son fils en plein pèlerinage et qui se met à sa recherche dans l’angoisse de toute mère. Marie qui se fait parfois rabrouer par Jésus pendant son ministère public. Marie qui partage un temps les inquiétudes des frères de Jésus au sujet de son équilibre psychique. Marie qui le laisse vivre sa vie de Fils de Dieu. Marie qui ne désertera pas le Calvaire au jour de la crucifixion de son enfant-Messie. Marie qui attendra dans la foi et la prière le matin de Pâques. Marie élevée jusqu’aux cieux sans connaître la corruption de la mort.
Marie n’a pas été une “icône de vénération” pour ses proches en son temps, comme j’ai pu le lire et trouver un peu ridicule dans une méditation biblique un jour. Non, Marie a été une femme de chair et de sang, qui a porté dans ses entrailles maternelles cet enfant-là et sans doute d’autres après lui, et à laquelle nous autres femmes pouvons ressembler si nous demeurons fermes dans la Parole de Dieu, parole étonnante, déroutante et subversive s’il en est. Vivre l’Evangile jusqu’à l’extrême de la volonté de Dieu, plutôt que de se perdre dans d’inutiles pieuseries condamnées à demeurer stériles et anesthésiantes.
Image : Vierge à l’Enfant dite Notre Dame de Bonnes Nouvelles (XVIe), anonyme – Musée des Augustins, Toulouse