Je m’en souviens bien. Après la prise de sang, j’avais fait un petit tour en ville, histoire de calmer mon impatience de connaître le résultat. Repassant plus tard devant le laboratoire, je vois l’infirmière devant la porte et elle court vers moi : “Madame, madame, c’est bon !” Elle avait bien compris que je le désirais à tout prix, ce troisième enfant, et elle était heureuse de me devancer !
Joie.
Autre tableau, quelques dix-huit mois plus tard. Je suis à la cuisine et tranquillisée parce qu’elle est dans son petit parc en bois, au salon. Je prépare sans doute le déjeuner. Et je passe jeter un œil sur elle. Mais… le parc n’est plus là ! Stupeur. Je la retrouve, avec le parc autour d’elle, à l’autre bout du salon. J’ai compris ce jour-là qu’elle aurait la bougeotte et que je pouvais m’attendre de sa part à quelques surprises.
Mes collègues aiment bien quand je leur parle d’elle, car c’est toujours de l’inattendu. Là où leurs enfants alignent les bonnes notes en maths et obtiennent des diplômes d’écoles d’ingénieur ou de commerce, ma fille passe un bac à option danse puis part à l’autre bout de la France pour des études artistiques. Elle est vegan un temps, végétarienne sur le long terme, se teint les cheveux de toutes les couleurs de l’automne, arbore un, puis deux, puis trois tatouages et s’affirme dans un style qui n’est que le sien. Son joli coup de crayon n’a d’égal que le grain chaud de sa voix. Elle trouve moches les déco en vente au magasin de bricolage et m’offre pour mon bureau tout neuf deux toiles magnifiques dont la peinture a débordé sur le sol de sa chambre. Dans son coin zen trône un bouddha et une guirlande lumineuse traverse sa chambre. Elle adopte un lapin nain dans son studio d’étudiante.
Hier, toute la famille est réunie chez moi pour deux anniversaires auxquels on aurait pu rajouter le sien, mais elle est restée là-bas, loin, dans sa ville du sud-ouest, et elle nous réserve une surprise via skype. On se connecte. Joie de revoir son joli visage ! Mais qui se tient là, à côté d’elle ? Un beau jeune homme aux yeux aussi noirs que les siens sont clairs, qui sourit timidement en se présentant en anglais. Je ris car je suis déjà au courant, tandis que mes convives, stupéfaits, font connaissance avec celui qu’elle chérit depuis deux ans et qui vient de traverser la moitié de la terre pour la rejoindre. Pourquoi faire simple quand on peut mettre du piment dans sa vie en ayant un boyfriend australien ?
Rien comme tout le monde. Sa vie ne sera pas ennuyeuse… et la mienne non plus.
2 commentaires
La toile de la photo est magnifique…Quelles couleurs pleines de vie!
Toutes mes félicitations à votre fille, Véronique !
Merci Claire, je lui transmettrai !