Je suis une fille de la campagne. Depuis toujours. A ce titre, j’ai passé les étés de mon enfance non pas sur des plages ou des chemins de randonnée, mais à cueillir des groseilles et à effiler des haricots. Je m’en acquittais tant bien que mal, n’ayant pas d’autre choix, que ce soit à la maison ou chez mes grands-parents.
Aujourd’hui, j’ai une maison avec un assez grand terrain. J’y fais tout moi-même, ce qui m’oblige à restreindre les tâches. Passer la tondeuse à gazon, cueillir et conserver les fruits, entretenir les massifs de fleurs, cela me suffit. J’ai renoncé depuis quelques années au jardin potager. Terre ingrate et manque de temps. Je ne suis pas de ces passionnés de la tomate et de la courgette bio. Dans mon entourage proche, je n’entends parfois parler que de cela, et ces discussions récurrentes ont provoqué chez moi le réflexe inverse de la course au panier de légumes du jardin. Entourée d’acharnés de la semence maison et de la conserve d’été, j’ai résolu de ne pas passer la moitié de l’année à me soucier de ce que j’allais me mettre dans le ventre. Car finalement, à trop se passionner pour une nourriture hors des circuits longs, on finit par être obsédé par le légume qui trouvera place dans son assiette à midi. On consacre le plus clair de ses loisirs à cultiver la terre, à la désherber, à faire la chasse naturelle à la limace et au liseron, à courir les marchés bio et les producteurs locaux… Je ne dis pas que cela ne soit pas vertueux sur le plan sanitaire et environnemental. J’admire plutôt cette ténacité. Mais je suis parfois fatiguée de passer pour une inconsciente consommatrice de produits de supermarché. J’ai entendu des conseils de culture maison jusqu’à la nausée, lors de réunions dont ce n’était pas du tout le but. Ceci a peut-être entraîné cela. J’ai lu aussi “Laudato si”, et avec plaisir. Mais l’écologie n’est pas ma raison de vivre. Je ne pourrais pas habiter en ville et n’avoir aucun arbre à chérir. Mais de là à être agricultrice bio pendant mes nécessaires vacances, non. C’est un choix un peu marginal que je pose dans mon milieu campagnard. A la dictature du potager, je préfère la plantation pleine d’espérance d’une pivoine ou d’un massif de mufliers. Mon été sera de fleurs, si ma terre le veut bien. Et de temps de prière volé à l’ombre du parasol, sur la terrasse.