De la lumière, partout. Des sensations fortes pour ceux qui en ont le courage. Des ornements de Noël en nombre, éblouissants. Du rire et de l’émotion devant tant de beauté et de souvenirs de naguère, quand les enfants étaient petits et qu’ils s’émerveillaient du moindre manège, des attractions aquatiques qui rafraîchissaient par la canicule. Aujourd’hui, ils sont adultes, et c’est maintenant eux qui encouragent leur maman craintive à tenter telle ou telle aventure. En guise de cadeau de Noël, je leur ai offert une journée dans leur parc d’attractions préféré.
Tandis qu’ils s’étourdissent dans les grands coasters qui ne m’attirent guère, je prends plaisir à des attractions plus douces, méditant au passage sur ce goût prononcé qu’ils ont pour les parcs de loisirs contemporains fourmillant d’avancées technologiques époustouflantes, et je les comprends. Nous leur léguons un monde dur. Ils étudient courageusement, et n’ont aucune garantie de trouver un emploi au terme de leur cursus. Et combien de temps exerceront-ils ce métier-là, qu’ils ont choisi ? Tout est devenu fluctuant, et il y a peu de chances qu’ils aient un jour à transmettre à autrui ce savoir qu’ils acquièrent maintenant et qui sera bientôt obsolète.
Ici, on entre dans un univers protégé. Les sacs sont consciencieusement fouillés au portique d’entrée, et là où je hurlerais de terreur dans un grand huit interminable, ils se sentent en sécurité, car point de bombe ne leur explosera au visage, point de terroriste sanguinaire n’en voudra à leur jeune vie, une arme automatique à la main.
Je les comprends. Je me souviens des premières semaines de vie de mon fils : nous étions horrifiés devant le déluge de missiles Scud, à la télé, pendant la guerre du Golfe. Il pleuvait de la mort. Et cela n’a pas cessé. Point de 20h, depuis leur enfance, qui ne fasse étalage de guerres et d’attentats atroces en tous points du monde. Leurs grands-parents ont beau leur dire que leur jeunesse à eux, en pleine seconde guerre mondiale et occupation allemande, était bien plus éprouvante que la leur, il y a une dimension d’insécurité permanente qui imprègne aussi, et plus insidieusement, la vie de ces jeunes d’aujourd’hui ; ils évoluent avec ce sentiment diffus et pas de leur âge que tout pourrait, pour eux, s’arrêter demain.
Alors là, dans ce parc qui nous présente une Europe belle et unie dans la fraternité de façon idyllique, je comprends que mes enfants soient soulagés de la lourdeur de leur quotidien et heureux, enfin, comme ils y ont droit à leur âge. Même si cela ne doit durer qu’une journée. Une journée de joie gagnée dans un monde parallèle, certes factice, mais qui, pour une fois, leur veut du bien.