Quand le calendrier prend un an, quelques jours plus tard, je prends une année aussi. Et ainsi, entre les vœux de Nouvel An et d’anniversaire, je peux déborder début janvier de gratitude pour la fidélité et la richesse intérieure de mes amis.
Il y a cette femme de laquelle je pourrais sembler si différente. Dans une école, il y a plus de vingt ans, elle avait en charge les élèves les plus en difficulté, et moi une sorte de petite élite que notre région avait voulu créer. J’arrivais d’autres horizons, naïve, je voulais avec fougue œuvrer pour l’Europe, tandis que les parents qui inscrivaient et inscrivent encore leurs enfants dans ces filières bilingues avaient des intentions bien moins nobles.
Nous nous sommes rapprochées à l’occasion des obsèques de François Mitterrand. Oui, c’est vrai, je peux le dire, j’étais bouleversée par sa mort, lui qui avait symbolisé l’espérance de mon humble milieu social dans les années quatre-vingts de ma jeunesse. Ne retenons que cela. Elle aussi était très chagrinée, et je nous vois encore faire front devant un collègue qui se moquait un peu de nous : “Vous portez le deuil pour un si grand homme ?”
Une complicité était née, qui allait se traduire en profonde amitié. Jusqu’à lui faire la demande, un peu plus tard, d’être la marraine de mon troisième enfant. Elle accepta d’emblée, avec le baptême religieux et tout ce qui en découlerait, alors qu’elle est profondément athée. C’était touchant de les voir, elle et le parrain, si éloignés tous deux de la foi chrétienne, tenir avec amour entre leurs bras la délicieuse petite fille qui voyait l’eau couler sur son front, la lumière des cierges s’allumer autour d’elle, et se faisait les dents pendant la cérémonie sur son chausson blanc.
Je sais, en Eglise, je ne fais rien dans les normes. Mais quelle heureuse initiative que ce lien créé ce jour-là entre ma fille et elle, entre ma famille et la sienne ! Et force est de constater que vingt ans plus tard, elles ont bien des atomes crochus, le filleule et sa marraine !
Moi aussi, j’en ai beaucoup avec elle. Dans une conversation mondaine, on pourrait être en désaccord sur à peu près tout. C’est ce qui est remarquable dans notre amitié. Mais nos conversations ne sont jamais mondaines, et là, dans l’intime de chacune de nos vies, nous nous rejoignons. Elle a pour moi des mots très forts que personne d’autre n’ose avec moi. Je les accueille toujours comme un merveilleux cadeau. Et j’ai pour elle une tendresse qui résiste à tous les écueils. Elle m’a accompagnée quand j’étais au pire de ma vie, amie fidèle et sans jugement, et nous pouvons tout partager de nos grandes joies et de nos grandes peines. Dans le respect plein et entier de la personne qu’est l’autre. C’est très beau. Je le lui dis, à elle et à une autre grande amie non-croyante aussi : je me sens plus à l’aise avec elles qu’avec nombre de catholiques convaincus. Et pourtant, Dieu sait si je suis une fervente chrétienne !
Un jour, et je n’oublierai jamais, elle a d’ailleurs eu pour moi ces mots qui surpassent tous les autres : “Je t’aime parce que tu es authentique”.
Je n’ai besoin de rien de plus. Et moi aussi, je l’aime pour son authenticité, elle l’athée convaincue qui ne cesse d’être grâce dans ma vie.
3 commentaires
Quelle belle chaleur et quel cadeau ce billet !
Pour connaître ton amie, et ses qualités d’humanité et de sincérité sans faille, et ta sensibilité et ta fidélité, je peux dire que vous vous êtes bien trouvées ! Et que j’ai de la chance de vous connaître !
Un texte qui dit si bien les choses et bien au-delà des conformismes. Merci et bises.
Je t’aime et quand on s’aime tout est simple.
Je crois que de toute ma vie je n’ai jamais eu un tel cadeau. Merci ma chère Vero.