L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait,
rempli de sagesse,
et la grâce de Dieu était sur lui.
Luc 2, 40
En cette belle fête de la présentation de l’enfant Jésus au Temple – dont nos contemporains ne retiennent que les traditions culinaires de la Chandeleur – je médite ces derniers versets de la lecture du jour.
Jésus a été reconnu comme Messie par le vieillard Syméon qui l’attendait secrètement par révélation du Seigneur, et une femme très âgée et pieuse, Anne de Phanuel, se répand en louanges à Dieu après cette rencontre avec un tout petit enfant. Ils se sont décentrés d’eux-mêmes pour accepter de reconnaître la grâce reposant sur cet enfant-là, et l’avoir vu et touché suffit à remplir leurs cœurs d’allégresse. C’est d’autant plus remarquable qu’ils sont très âgés tous les deux, mais prêts à reconnaître en un tout-petit une grâce qui les dépasse et les comble d’espérance pour leur peuple, même si eux-mêmes, proches de la mort, n’en seront plus les témoins quotidiens. Syméon nous donne alors son merveilleux cantique :
« Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s’en aller
en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut
que tu préparais à la face des peuples :
lumière qui se révèle aux nations
et donne gloire à ton peuple Israël. »
Luc 2, 29-32
Que de paix, de sérénité, de sagesse aboutie dans ces paroles !
Et en ce jour, après avoir passé plusieurs semaines à échanger âprement sur les réseaux sociaux avec un adversaire acharné de ma foi, je comprends que la jalousie spirituelle des origines est toujours à l’œuvre, en particulier en ceux qui se montrent incapables de reconnaître en autrui la grâce de Dieu si eux-mêmes s’en sentent privés. Beaucoup voudraient que la raison les éclaire sur l’existence et les projets de Dieu. Or considérons Syméon et Anne : ils ne réclament ici rien pour eux-mêmes. Par sagesse, Syméon reconnaît la grâce de Dieu qui repose sur le Christ Jésus encore tout petit et se réjouit pour son peuple Israël ; par piété, Anne reconnaît elle aussi la messianité de cet enfant et s’en va la proclamer à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Foi et témoignage, paix de l’âme et acceptation d’une fin de vie dans la sérénité, grâce à un Autre.
Je me souviens aussi de ma meilleure amie, qui me disait, à 17 ans : “Si Dieu nous laisse libre de croire en lui ou pas, c’est qu’il n’existe pas.” Et je constate avec un peu de regret que quarante ans plus tard, elle n’est toujours pas parvenue à requestionner sa conclusion personnelle.
Un autre jour, bien plus tard, j’ai osé dire à ma sœur aînée : “Depuis toujours, je suis dans la main de Dieu”. “Pffff, m’a-t-elle répondu, qu’est-ce que tu crois ? Moi aussi !”
Certes, elle est baptisée, comme moi. Mais que fait-elle de son baptême ? Elle s’en souvient quand elle se rend à des obsèques, et communie même, mais quant à avoir une vie marquée au sceau de l’Evangile…
Je sais que cela passe mal, auprès des incroyants comme des croyants, d’oser dire qu’on a été appelé par le Christ de manière forte, et qu’on lui a offert une réponse radicale. Cela suscite encore les “Pffff, et pourquoi toi et pas moi ? ”
Je n’en sais rien. Dieu a ses secrets, et même, ses prédilections. Et en ce jour où nous fêtons la vie consacrée, je conclurai en disant qu’il ne suffit pas d’être appelé pour demeurer dans la grâce de Dieu, encore faut-il lui offrir toute notre vie en réponse définitive au privilège de cet appel.