Frères, faut-il se vanter ? Ce n’est pas utile. J’en viendrai pourtant aux visions et aux révélations reçues du Seigneur.
Je sais qu’un fidèle du Christ, voici quatorze ans, a été emporté jusqu’au troisième ciel – est-ce dans son corps ? je ne sais pas ; est-ce hors de son corps ? je ne sais pas ; Dieu le sait – ;
mais je sais que cet homme dans cet état-là – est-ce dans son corps, est-ce sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait – cet homme-là a été emporté au paradis et il a entendu des paroles ineffables, qu’un homme ne doit pas redire.
D’un tel homme, je peux me vanter, mais pour moi-même, je ne me vanterai que de mes faiblesses.
En fait, si je voulais me vanter, ce ne serait pas folie, car je ne dirais que la vérité. Mais j’évite de le faire, pour qu’on n’ait pas de moi une idée plus favorable qu’en me voyant ou en m’écoutant.
Et ces révélations dont il s’agit sont tellement extraordinaires que, pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime.
Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi.
Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure.
C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.
2 Corinthiens 12, 1-10
Textes liturgiques©AELF
Ah Paul, éternelle difficulté d’être cru quand on est authentique, éternel combat entre la légitimité que l’on se connaît dans le Seigneur et l’indispensable humilité face aux détracteurs et à l’ennemi qui recherchent la moindre occasion d’abattre un témoin véridique du Christ Jésus !
Paul l’a très bien vécu, compris et ressenti : on est très seul quand est touché de manière forte par la grâce de Dieu, très seul et très contesté, tandis que prospèrent autour de soi les faux prophètes et les faux mystiques qui se répandent en visions, révélations, témoignages oraux ou écrits de toutes sortes qui trouvent bon accueil dans un monde en désarroi et même dans l’Eglise !
Ami Paul, comme je te comprends ! Et comme tu es véridique quand tu n’omets pas de signaler que les vraies grâces mystiques se paient très cher dans un corps ou une âme qui doivent se coltiner, en “redescendant”, le quotidien des hommes et des femmes de leur temps !
L’ineffable de l’approche réelle et vive de la Trinité, je le connais aussi. L’écharde qui est là pour me gifler, elle déchire mon âme et ma santé psychique – alibi pour l’Eglise et le monde à me mépriser dans mon témoignage pourtant en toutes choses véridique.
Et je vois prospérer autour de moi les faux voyants et les faux mystiques, je vois des âmes faibles s’abîmer dans la lecture de révélations fleuves qui ont eu l’heur de plaire “même à des papes”, comme si ce fait pouvait être une garantie d’authenticité. Le Mauvais n’aime rien tant que de séduire les âmes les plus pieuses, il n’ambitionne rien tant que de pénétrer les doctrines de l’Eglise pour la corrompre de l’intérieur et la vouer à sa perte par chaos interne.
Nous vivons une époque comparable à celle de Paul pour les sujets de foi. Il est temps de remettre en question la vieille doctrine qui n’a fait qu’alourdir de manière insupportable la parole du Verbe – exactement comme le carcan des prescriptions juives avait miné la Loi de Moïse pour la rendre impossible à observer.
Je ne cesserai de m’ériger contre les diktats du Magistère et la pesanteur d’un catéchisme de l’Eglise catholique qui interdisent toute remise en question des doctrines et interprétations des Ecritures élaborées bien plus par des intelligences mâles que par l’Esprit de Vérité au fil des siècles.
On a considéré comme folie pure mes expériences mystiques, sur lesquelles je suis toujours restée discrète dans le monde et au sujet desquelles, étrangement, seuls les psychiatres me posent vraiment des questions – cherchent-ils à travers moi des réponses à leur propres interrogations existentielles et professionnelles ?
Et pourtant, tout comme Paul, je pourrais me vanter de la femme qui a été instruite si profondément des mystères ultimes de la Révélation divine par le Seigneur.
“Ce ne serait pas folie, car je ne dirais que la vérité.”
Image : Juan Bautista Maíno La conversion de Saint Paul XVIIe
Musée des Arts catalans de Barcelone