Lorsque Jésus eut terminé ce discours, les foules restèrent frappées de son enseignement,
car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes.
Matthieu 7, 28-29
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
De l’évangile d’aujourd’hui, je n’ai copié ici que les derniers versets, car ils pourraient s’appliquer à n’importe quelle parole de Jésus. Oui, Le Christ Jésus est le Verbe de Dieu, celui qui parle en son Nom et selon l’autorité que le Père lui-même lui confère. Jésus n’a pas étudié et parlé en rabbin savant ; nous ne savons pas grand chose de sa jeunesse, il est vrai, mais nulle part il n’est fait mention d’un maître qu’il aurait eu avant de se lancer dans sa mission de prédication du Royaume, contrairement à Paul par exemple qui étudia à l’école de Gamaliel (Actes des Apôtres 22, 3).
Et pourtant, Jésus est né petit enfant, a eu à grandir et à apprendre de sa mère et de son père nourricier, a assimilé parfaitement la Loi et les Prophètes de sa tradition juive. Comment concrètement, nous ne le savons pas. Par contre, dans les Evangiles, nous voyons très souvent Jésus en prière, seul, avant toutes ses grandes décisions et ses enseignements marquants. Jésus prie le Père, et le Père l’enseigne dans le secret. C’est indéniable. Depuis qu’il a suscité l’étonnement admiratif des docteurs de la Loi dans le Temple de Jérusalem à douze ans (Luc 2, 42-48), Jésus a eu à croître en sagesse et en grâce (Luc 2, 52), en apprenant petit à petit du Père sa volonté sur lui et la parole qu’il devrait délivrer au peuple élu et même aux païens. Et ce temps de croissance est long : une vingtaine d’années, puisque nous retrouvons Jésus lancé dans sa mission au début de la trentaine.
Je n’aime pas beaucoup que l’on prétende le Christ d’emblée omniscient parce qu’il est le Fils de Dieu. Je crois bien davantage en un Messie apprenant du Dieu des Juifs les Ecritures et comment les interpréter dans l’aujourd’hui de son incarnation, pour restituer le fruit de sa prière et de sa méditation comme de sa propre expérience de vie à ses contemporains. Je ne pense pas que Jésus ait eu un “cerveau” différent du nôtre, dans lequel toute la connaissance des mystères divins était d’avance installée. Non, il a appris au cours de ces vingt années qui était le Père à travers les Ecritures et sa prière. Vingt années avant d’aller vers les femmes et les hommes de son temps pour vivre sa mission et sa Passion. Vingt années pour revêtir les attributs du Messie des Psaumes, du Serviteur d’Isaïe. Vingt années pour devenir l’Epoux, le descendant de David, le roi de gloire annoncé par les Prophètes. Un roi en devenir, puisqu’il dira lui-même à Pilate que sa “royauté n’est pas de ce monde” (Jean 18, 36). Sa royauté ne surviendra plus tard que dans le cœur de ceux qui croiront en lui, et à son second avènement dans la gloire. Voilà ce que je crois profondément et que je tiens pour véridique.
Or, de nos jours, beaucoup enseignent en scribes, en doctes, en diplômés des facultés de théologie. N’êtes-vous pas de ceux-là, vous êtes immédiatement suspecté d’imposture, d’ignorance, d’illégitimité… exactement comme Jésus en son temps. Il a suscité la jalousie maladive de ceux qui se croyaient plus légitimes que lui dans l’interprétation des Ecritures et l’enseignement des commandements de Dieu. Ils l’ont poursuivi de leur hargne jusqu’à le faire condamner à mort pour blasphème. Le propre Fils de Dieu, qui avait tout appris de son Père, a été crucifié parce que les gardiens de sa propre religion n’ont pas voulu croire en lui.
Et moi j’ose ajouter que l’Eglise n’est pas forcément exempte du même péché criminel. A chaque fois qu’elle ne veut pas reconnaître le souffle de l’Esprit quand il s’exprime hors de tout diplôme théologique ou d’études du droit canon, elle se rend sourde à la Vérité du Dieu Trinité qui a encore des nouveautés à dire dans notre aujourd’hui. Et qui ne les dira certainement pas dans le cadre étriqué d’une seule Eglise ni même d’un seul monothéisme, et encore moins par la bouche des dignitaires religieux quels qu’ils soient.
Image : Le Sermon sur la montagne Philippe de Champaigne