En ces jours-là, dans le désert, les fils d’Israël se remirent à pleurer : « Ah ! qui donc nous donnera de la viande à manger ?
Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail !
Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! »
La manne était comme des grains de coriandre, elle ressemblait à de l’ambre jaune.
Le peuple se dispersait pour la recueillir ; puis on la broyait sous la meule, ou on l’écrasait au pilon ; enfin on la cuisait dans la marmite et on en faisait des galettes. Elle avait le goût d’une friandise à l’huile.
Lorsque, pendant la nuit, la rosée descendait sur le camp, la manne descendait sur elle.
Moïse entendit pleurer le peuple, groupé par clans, chacun à l’entrée de sa tente. Le Seigneur s’enflamma d’une grande colère. Cela déplut à Moïse,
et il dit au Seigneur : « Pourquoi traiter si mal ton serviteur ? Pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux que tu m’aies imposé le fardeau de tout ce peuple ?
Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, est-ce moi qui l’ai enfanté, pour que tu me dises : “Comme on porte un nourrisson, porte ce peuple dans tes bras jusqu’au pays que j’ai juré de donner à tes pères” ?
Où puis-je trouver de la viande pour en donner à tout ce peuple, quand ils viennent pleurer près de moi en disant : “Donne-nous de la viande à manger” ?
Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple : c’est trop lourd pour moi.
Si c’est ainsi que tu me traites, tue-moi donc ; oui, tue-moi, si j’ai trouvé grâce à tes yeux. Que je ne voie pas mon malheur ! »
Nombres 11,4b-15
Textes liturgiques©AELF
Je suis habituée aux homélies catholiques. Quand le Premier Testament évoque la manne, les prédicateurs établissent un parallèle avec le pain eucharistique – la liturgie d’aujourd’hui le fait d’ailleurs – et prêchent bellement sur le fait que nous autres chanceux bénéficions, contrairement aux Hébreux dans le désert, de la manne du pain de Vie éternelle. Et de considérer ainsi que toutes les Ecritures sont accomplies, et que l’Eglise, qui donne le sacrement eucharistique, est quasiment pérenne. Et toujours, en Eglise catholique, ce refus d’envisager la fin des temps comme un événement peut-être tout proche. On part à la chasse aux vocations sacerdotales, on ordonne, on bénit le Seigneur de nous avoir donné quelques nouveaux prêtres pour assurer tant bien que mal la relève…
Je m’emploierai toujours à tordre le cou à cette logique imparable de la Révélation divine accomplie dans les sacrements et le salut catholiques. Car enfin, soyons réalistes : qui se sent encore comblé de nos jours après avoir communié le dimanche matin ? Le fidèle qui a communié en est-il rassasié comme l’Hébreu qui a enfin mangé sa caille au déjeuner ?
Je suis la première à avoir une très grande dévotion à la sainte Eucharistie, et je confesse que chaque communion est pour moi une intense visite intérieure du Seigneur Jésus. Oui, je brûle de foi et d’amour pour mon Seigneur quand il se donne à moi sous les saintes Espèces. Parce que je crois profondément en la Présence Réelle et que je mène aussi une intense vie d’oraison, de proximité avec le Père et le Fils. Mais soyons un peu réalistes, et reconnaissons que beaucoup de catholiques communient par rite et habitude et ne ressentent rien du tout en posant cet acte qu’ils banalisent. Tout au plus la communion au Corps du Christ est-elle un viatique pour la semaine. Presque tous, j’en suis convaincue, lui préfèrent le déjeuner dominical qui lui succèdera…
Aussi, toute cette théologie qui vise à considérer l’eucharistie comme “sommet de la vie chrétienne” (1) me semble-t-elle surfaite. A vrai dire, si notre espérance tient juste dans la petite hostie, aussi consacrée soit-elle, du dimanche ou de la semaine, nous sommes plutôt à plaindre. Et il n’y a pas à nous étonner que les non pratiquants ou non catholiques ne comprennent rien à notre discours sur l’eucharistie. J’ai vu des prêtres communier comme de droit aux deux espèces tous les jours et ne plus avoir une once de foi. J’ai vu des premiers communiants recevoir le Saint sacrement dans l’indifférence, pressés de déballer leurs cadeaux et leurs enveloppes pour estimer leur gain financier du jour. Ne nous voilons pas la face et reconnaissons-le honnêtement !
Même pour moi qui ai une vive dévotion au sacrement eucharistique, il n’est pas un sommet de ma vie, mais seulement un gage d’amour dans l’attente de la Rencontre véritable. Jésus le Christ, je veux le voir de mes yeux, le respirer de mes sens, me laisser étreindre dans ses bras à son retour en Gloire. Je veux le saisir en son corps de chair et lui donner ma personne en vie éternelle. Voilà ma véritable espérance, dût-elle choquer tout le monde ! Lui n’en est pas choqué, j’en suis sûre, car Dieu donne toujours à l’âme enflammée d’amour pour Lui ce qu’elle lui demande : se contente-t-elle de la manne ou de viande, elle obtiendra du pain et une caille. Se contente-t-elle d’un rite religieux, elle obtiendra de chanter la louange de Dieu éternellement. Lui demande-t-elle la Personne même du Fils pour la chérir éternellement, elle en jouira, dans le Royaume tout proche qui signifie aussi la fin de toute église terrestre, car la première création, ici-bas, ne sera plus.
1 commentaire
A propos de l’Eucharistie et de la formulation qu’elle est la ”source” et le ”sommet” de la vie chrétienne, la ”source” ”coule” et ”irrigue” le ”terrain” du quotidien et du ”sommet” on est ”envoyé” dans la ”plaine” des réalités humaines – toutes formulations et ”images” pour parler de l’Eucharistie sont limitées et sujet à discussion – moi je n’ai pas de dévotion particulière au sacrement eucharistique, pour moi c’est un appel fort, alors j’essaye au mieux que ma communion à la parole et à la vie du Christ oriente ma communion fraternelle au quotidien – Pour ce qui est de la présence réelle du Christ elle n’est pas uniquement lors de l’Eucharistie si je m’en réfère à un passage de l’Evangile selon St Matthieu ” et moi je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde” Pour ce qui est du salut nous avons aussi en Matthieu 25, 31-46 des indications éclairantes