Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Marc 9, 2-10
Homélie du lundi 6 août 2007 – Grotte de Lourdes
Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers
Ce texte est un texte charnière. Il tente d’expliquer qui est Dieu, tel que le Christ veut nous le révéler. Il nous fait comprendre aussi comment Jésus veut vivre parmi nous dans son humanité.
Jusqu’à présent Dieu était Celui dont on pouvait tirer parti, dont on pouvait profiter. Il était le Très-Haut, le Tout-Puissant. Autant de mots qui nous permettaient à nous les hommes, de vouloir exiger ou attendre de Dieu un bénéfice. Juste après, en descendant de la montagne, le Christ va donner sa vie. C’est le moment où, abandonnant les foules qui courent après lui, il rentre progressivement dans une solitude où il se donnera totalement. Dieu est celui qui donne, qui se donne. Non pas donner des choses, alors que nous sommes toujours à lui demander des choses à avoir en plus, plus de richesses, plus de santé, plus de temps pour vivre, plus de bonheur…
Le coeur de l’évangile d’aujourd’hui porte au contraire sur toi. Toi, qu’est-ce que tu donnes de toi-même ? Le coeur de la vie de Dieu est cette source, cette générosité qui n’arrête pas de se donner.
Elle conduira le Christ à se donner entièrement. Là, il nous montre dans la nudité de la Croix, l’absolu de la générosité qui se donne. D’ailleurs, la Bible nous le rappelle sans cesse. Nous ne le comprenons pas. C’est cette transformation que nous n’arrivons pas à faire dans notre vie. Voilà pourquoi sont présents Moïse, dont la vie a été consacrée à la rencontre et à l’alliance avec Dieu. Voilà pourquoi se tient Elie, dont toute l’existence, même au péril de sa vie, a été de tenir la fidélité à l’alliance faite entre Dieu et son peuple. Moïse et Elie ont donné toute leur vie pour le message dont la révélation les avait chargés. Ils attestent que Dieu n’est pas autre que cette source de vie qui ne garde rien pour elle-même, mais qui se répand pour la vie des autres. C’est-à-dire pour notre vie.
Prenez dans l’évangile un seul exemple: le jeune homme riche (Luc 18, 18-23). Il avait la loi, qu’il observait depuis l’enfance. Il avait tout fait. Mais il découvrait que cela ne le rendait pas vivant. Le Christ lui dit: « Si tu veux vivre pour toujours, donne, vends tes biens, distribue-les aux pauvres en aumône, apprends à être généreux, et viens avec moi. Tu vivras pour toujours». C’est justement ce qu’il ne fait pas. Le contraire de la Transfiguration dans l’évangile est cette rencontre du jeune homme riche. Il veut avoir sans donner, il veut posséder sans répandre. Le contraire même de Dieu.
Il y a deux silences dans cet évangile. Le premier, quand les Apôtres sont éblouis par la gloire qu’ils voient. Non pas une gloire qui écrase, qui s’impose ; non pas une gloire dont rêve parfois notre Église qui voudrait régenter les consciences et le monde, d’avoir raison contre tous et sur tout. Mais la gloire de l’humilité qui se donne, de celui qui se fait le plus petit, le dernier, pour que personne n’ait honte devant elle. Ils ne comprennent pas. Ils rentrent dans cette impuissance radicale, qui est celle d’Adam quand Dieu lui présente Eve, qui est celle du Christ endormi dans la barque. C’est cette torpeur, cette impossibilité de mettre la main sur Dieu, parce qu’il est celui, non pas qui nous prend, mais qui nous envoie. Non pas celui qui nous maintient, mais celui qui nous livre. L’autre silence : ils ne disent rien. Parce qu’ils sont paralysés.
Dans votre vie, lorsque vous voulez vraiment vous convertir à ce Dieu, lorsque vous voulez vraiment que toute votre existence entre dans cette générosité, la première réaction n’est pas l’enthousiasme. Cela est superficiel ! La première réaction est le silence. Parce qu’on ne sait pas comment s’y prendre. Parce qu’on croit qu’on n’est pas capable, parce qu’on croit qu’on ne saura jamais faire, parce qu’on se demande à qui donner. Le grand silence de celui qui se laisse travailler par l’intérieur, par le Christ crucifié et par la résurrection qui l’envoie. Entrez dans ce silence ! C’est le but du pèlerinage. Pour que le Dieu en qui nous croyons, soit celui qui vous retourne, pour faire que chacune de vos vies soient, fût-ce pour un seul verre d’eau fraîche, une source pour l’existence des autres. Alors vous serez transfigurés, parce que vous serez des vivants.
Vous serez des vivants, parce que vous serez source de vie. Vous serez source de vie, parce que d’autres vivront un peu mieux à cause de vous, ne serait-ce que par un sourire, une visite, par une rencontre, un partage. A ce moment-là, ensemble, nous serons le peuple de Dieu.
C’est bien parce qu’elle avait compris cela et qu’elle a donné son Fils aux hommes, parce qu’elle s’est laissée donner au pied de la croix, que Marie a été transfigurée au plus profond de son être. Ce qu’elle a été, c’est la vocation à laquelle la Transfiguration nous appelle.
Source : http://www.diocese-poitiers.fr/communication/hom%E9lie%20Rouet%20Transfiguration%20Lourdes.pdf
Source image : http://www.paroisse-saint-martin.fr/2008/08/01/explication-de-licone-de-la-transfiguration