Devant Dieu,
et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts,
je t’en conjure,
au nom de sa Manifestation et de son Règne :
proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps,
dénonce le mal,
fais des reproches, encourage,
toujours avec patience et souci d’instruire.
2 Timothée 4, 1-2
Par ces mots, l’apôtre Paul encourage son disciple Timothée à poursuivre avec foi et ardeur son ministère d’évangélisation. Timothée a étudié les Ecritures, il a reçu le baptême, il s’est formé auprès de Paul, il est un homme de Dieu (verset 3, 17).
Tous, nous savons que Paul, en son temps, n’avait pas compris, ne pouvait pas comprendre à cette époque encore très patriarcale qu’une femme était elle aussi capable de lire et méditer les Ecritures, de les mettre pleinement en pratique et aussi de les enseigner. Etre une “femme de Dieu” est une expression qui n’aurait pas pu effleurer Paul, toujours d’ailleurs un brin misogyne, ce que le Christ Jésus, quant à Lui, n’a jamais été. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’aime pas beaucoup qu’après une lecture de saint Paul, on proclame “Parole du Seigneur”. Paul n’est pas Dieu, il marche parfois sur des chemins tout humains qui ne sont ni les chemins du Père, ni ceux du Fils dont les pensées sont infiniment plus élevées. Paul n’a pas su avoir vis-à-vis des femmes l’attitude du Christ Jésus qu’il n’a pas côtoyé de son vivant. C’est sa plus grande différence d’avec Lui, et je pense qu’il est temps pour nous les femmes de nous libérer du joug de certaines sentences de Paul, qui sont paroles de Paul et non pas du Seigneur.
Après ce petit préambule, je peux poursuivre en disant que je me sens très concernée par les recommandations de Paul à Timothée, ayant moi-même énormément médité les Ecritures au cours d’une vie déjà bien plus longue que celle de ce jeune homme. Et je voudrais ici redire qu’il n’est pas forcément nécessaire d’être ordonné diacre ou prêtre ni même d’avoir un diplôme universitaire de théologie – ce qui est la grande mode de nos jours – pour y entendre quelque chose à la Parole de Dieu. Ne négligeons pas la puissance des sacrements accessibles aux baptisés et la sagesse insurpassable de l’Esprit Saint qui sourd de lui-même dans l’âme qu’Il se choisit avec une éminente liberté, faisant fi des catégories ecclésiales qui ont parfois l’orgueil de s’en croire propriétaires privilégiées. N’oublions pas qu’une sainte Catherine de Sienne était illettrée et qu’elle eut bien des choses à apprendre aux papes de son époque. Et ce n’est là qu’un exemple, l’histoire sainte regorgeant de femmes d’humble condition qui nous ont laissé des trésors d’intelligence des mystères divins, laissant de leur vivant pantois, bien souvent, jusqu’à leurs confesseurs…
Je poursuivrai donc ici et ailleurs avec opiniâtreté mon œuvre d’évangélisation, ne me sentant pas moindre qu’un clerc pour proclamer la Parole, intervenir à temps et à contretemps,
dénoncer le mal, faire des reproches, encourager, toujours avec patience et souci d’instruire. Même à l’attention d’un homme d’Eglise ! Car rien ne m’insupporte davantage que le travestissement de la Parole et de l’agir du Christ. Je ne parle même pas ici des crimes odieux dont certains clercs se sont rendus coupables, et qui discréditent aujourd’hui toute l’Eglise. Je veux évoquer jusqu’aux doctrines officielles qui font mentir les Evangiles. Par exemple, cette tendance contemporaine à dénier, en Eglise catholique surtout, la très grande probabilité, toute proche, de la Manifestation glorieuse de Notre-Seigneur, lui qui revient cette fois pour juger les vivants et les morts, et instaurer vraiment, définitivement et ailleurs que sur cette création dévoyée, le Royaume promis par Dieu de toute éternité ! Et je me battrai jusqu’à ce jour béni pour “déprogrammer” de la conscience de mes contemporains la croyance trop confortable en un Jésus dégoulinant de miséricorde qui par sa simple apparition ouvrirait à tout un chacun, en un instant fugace, la porte du Paradis, sans que cette âme ait eu à se confronter à l’iniquité potentielle de son comportement terrestre. Jugement il y aura, non pas forcément comme cela se passe au tribunal, mais pour chaque âme, dans le feu dévorant de l’Esprit, par une lucidité enfin, sans aucune dérobade possible, sur ce qu’a été sa vie au regard de Dieu et du prochain.
Quel clerc catholique ose encore prêcher cela aujourd’hui ?
Eh bien, si aucun ne le fait plus, moi j’irai au combat pour proclamer cette vérité à temps et à contretemps.
Pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Image : Saint Paul et saint Timothée Codex barberinianus latinus, Bibliothèque vaticane VIIe siècle