Jésus avait dit : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : « Cet homme-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire : ‘Je suis descendu du ciel’ ? »
Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle. Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Jean 6, 41 – 51
Jésus est toujours en butte aux récriminations de ceux qui pensent comprendre Dieu mieux que lui, toujours soupçonné d’illégitimité dans sa prédication, et il fait scandale quand il parle de donner sa chair à manger pour faire vivre éternellement. Vieille querelle d’il y a 2000 ans ? Certainement pas ! Car même la majorité des baptisés d’aujourd’hui ne croient pas en ce mystère pourtant fondateur de l’Eglise.
J’ai vécu des funérailles catholiques cette semaine. Nous n’étions que deux rangs de famille, et encore, je n’en fais plus vraiment partie. Au moment de l’Eucharistie, le prêtre a invité avec beaucoup de délicatesse ceux qui étaient baptisés et qui le désiraient à communier. Je crois que nous avons été deux à nous avancer, pourtant nous étions tous baptisés…
Plus tard, revenus à la maison de celle qui nous a quittés, nous avons eu de ces conversations fréquentes dans ces moments-là, entre tristesse et pirouettes humoristiques. Chacun de méditer sur l’implacable réalité de ce dernier lit de bois. Comme je ne partageais pas le pessimisme ambiant, j’ai dit simplement ce que je ressentais, que j’avais pensé davantage à Celui qui était au-dessus du cercueil qu’au cercueil lui-même. Et il n’y avait guère que le grand-père qui devenait veuf qui semblait dans le même état d’esprit que moi…
Je crois que le Seigneur m’a fait la grâce de comprendre toujours le mystère de sa Présence réelle dans l’Eucharistie. Et que la vie m’a permis de mesurer à quel point elle me nourrissait quand je m’en approchais, et à quel point elle m’affamait quand je m’en privais. Agnostique pendant quinze ans, je ne la méprisais pas pour autant, sentant confusément que j’étais indigne de la recevoir si je ne croyais pas de tout mon coeur que le Christ y était présent. Je n’ai plus communié quand je me suis retrouvée à la messe pour des occasions familiales. Comme ceux qui m’entouraient l’autre jour.
Et plus les années passaient, plus ma perception de Dieu se desséchait. Où était ma ferveur de petite fille recevant la première communion ?
Quand je suis revenue à la foi, après une quête intense de plusieurs années, j’ai été attirée à nouveau vers l’Eucharistie. Et là, ma foi n’a cessé de croître. Je me disais : “Mais bien sûr, c’est ça qui m’a manqué !” Nourriture eucharistique qui m’attirait vers l’autre nourriture qu’est la Parole de Dieu, dans un mouvement continu de croissance spirituelle.
Il m’a été donné aussi de vivre la douleur du jeûne eucharistique non choisi. J’étais divorcée d’un mariage civil et j’ai eu quelque temps un ami divorcé – pour cause d’adultère de la part de son épouse – d’un mariage religieux. Je m’en suis tenue à la discipline de l’Eglise catholique et j’ai cessé de communier. Ce fut une douleur intense. Tellement intense que j’ai mis dans la balance ma relation à cet homme et ma relation au Christ, et j’ai choisi de rompre avec lui plutôt que d’être définitivement privée de communion. Choix libérateur. J’avais enfin compris que rien ni personne ne pouvait me séparer de l’amour du Christ, et que cet amour, j’avais besoin de le vivre pleinement dans l’Eucharistie.
Le Seigneur n’est pas ingrat quand on lui témoigne qu’on ne lui préfère absolument rien. Ma foi a trouvé toute sa plénitude dans le don de ma personne à la sienne. Et jour après jour, il vient me fortifier dans l’Eucharistie, le don le plus grand qu’il ait pu nous faire de sa divinité dans l’apparence la plus humble de ce petit bout de pain qui donne la vie éternelle.
Image : L’institution de l’Eucharistie Fra Angelico
3 commentaires
Véronique, je suis un peu comme Jeuge. Quand je communie, je ne ressens rien. Mais, je sais qu ‘il est en moi, qu’il me prends, m’ imprégne tout entier. Il est en moi, je le sais, et je ne pourrais pas me passer de cette présence. Chaque dimanche matin, quand la brave dame si dévouée vient m’ apporter la communion, en sortant, elle-même, de la messe à la paroisse, je l’ attends: j’ ai préparé la table, avec une bougie, un crucifix, et une icône de la vierge Marie portant l’ Enfant Jésus, que m’ ont rapportée mes enfants de Chypres ( la Vierge Glikofiloussa, du Monastère de Prévéli en Crète), et je viens d’ assister à la messe du Jour du Seigneur sur France 2; Elle reviendra mercredi, jour de l’ Assomption. Je ne pourrais pas me passer de cette communion hebdomadaire !
Bien sûr, entre 1994 et 2000, nous allions à la messe tous les soirs, ma femme et moi ! Mais la maladie est venue !
Véronique, je t’ admire d’ avoir préféré la présence du Christ en toi par la communion à celle d’un homme près de toi..
Je t’ embrasse..
André
Merci pour ce beau témoignagne sur la faim du “Pain Eucharistique”… Bien que prêtre depuis 60 ans, je suis loin de “ressentir” cette faim : je suis de ceux qui doivent continuer à avancer dans la “nuit” de la foi: foi de volonté et non de sentiment… J’envie ceux et celles qui vivent “attirés” – “assoiffés” – “affamés” – : que ceux-là prient pour leurs frères et soeurs qui doivent marcher “dans la longue nuit”
Merci