Le Verbe était la vraie Lumière,
qui éclaire tout homme
en venant dans le monde.
Il était dans le monde,
et le monde était venu par lui à l’existence,
mais le monde ne l’a pas reconnu.
Il est venu chez lui,
et les siens ne l’ont pas reçu.
Jean 1, 9-11
Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas,
et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse
que sa justice ne paraisse dans la clarté,
et son salut comme une torche qui brûle.
Et les nations verront ta justice ;
tous les rois verront ta gloire.
On te nommera d’un nom nouveau
que la bouche du Seigneur dictera.
Tu seras une couronne brillante
dans la main du Seigneur,
un diadème royal
entre les doigts de ton Dieu.
On ne te dira plus : « Délaissée ! »
À ton pays, nul ne dira : « Désolation ! »
Toi, tu seras appelée « Ma Préférence »,
cette terre se nommera « L’Épousée ».
Car le Seigneur t’a préférée,
et cette terre deviendra « L’Épousée ».
Comme un jeune homme épouse une vierge,
ton Bâtisseur t’épousera.
Comme la jeune mariée fait la joie de son mari,
tu seras la joie de ton Dieu.
Isaïe 62, 1-5
En ce jour de Noël, je mets à dessein à la suite l’un de l’autre ces deux extraits de la Parole de Dieu, Le premier étant tiré de la lecture de l’évangile du 25 décembre et le deuxième, de la première lecture donnée à la messe du soir du 24 décembre, la veille de Noël.
Je m’interroge et j’interroge mes lecteurs.
Très profondément, dans ma foi chrétienne, je crois que le Christ Jésus est bien le Verbe de Dieu, sa Parole la plus fidèle, son propre Fils né de Lui, le Père, et du consentement de Marie à cette naissance virginale tout à fait unique dans l’histoire de l’humanité. Oui, Jésus qui porte si bien son nom est l’émanation de ce Dieu qui nous sauve, qui nous rachète en sa grande miséricorde de nos péchés par le sacrifice plein d’abnégation de ce Fils si pur et innocent sur la Croix. Jésus absolument sans péché a pris sur lui tout l’opprobre du monde et des créatures depuis les origines et jusqu’à son retour glorieux. En nous approchant de Lui avec contrition, nous pouvons désormais obtenir miséricorde. C’est là ma foi totale au Christ Jésus rédempteur, et je la proclame.
Pourquoi l’Eglise choisit-elle aussi Isaïe 62, 1-5 dans les lectures de ce temps de Noël ? Cela me semble plus obscur…
Certes, Jésus est issu du peuple élu de Dieu, le peuple juif, il allait avec ses parents puis ses disciples vivre sa foi juive à Jérusalem, la ville sainte. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que Jérusalem n’a jamais jubilé ni de sa naissance, ni de sa prédication, à peine a-t-elle acclamé le rabbi monté sur un âne qui pénétrait ses murs quelques jours avant sa passion. (Matthieu 21, 1-11) Sans doute attendait-elle davantage le supposé thaumaturge Jésus de Nazareth que le Messie annoncé depuis des siècles par les prophètes. Nous savons comment se dérouleront les jours suivants : Jésus trahi, arrêté, moqué, supplicié, condamné par la foule au profit de Barabbas sera crucifié comme un paria hors des murs de Jérusalem.
Il est venu chez lui,
et les siens ne l’ont pas reçu.
Jean 1, 11
Le choix de ce texte d’Isaïe où Jérusalem jubile ne me semble donc pas, curieusement, adapté au temps de Noël. Nous savons qu’Hérode le Grand était roi de Judée, établi à Jérusalem au temps de la naissance de Jésus, et que loin d’en jubiler avec sa ville, il ordonna de faire périr tous les enfants de moins de deux ans dans Bethléem et ses environs dans le but d’éliminer, à peine venu au monde, notre Sauveur (Matthieu 2, 16-18). Hérode, jaloux de son petit pouvoir qu’il n’était surtout pas prêt à sacrifier pour un potentiel Messie d’Israël, cède à ses pulsions encore plus abjectement meurtrières que celles de Caïn vis-à-vis d’Abel dont Dieu préféra l’offrande (Genèse 4, 3-8).
L’Eglise catholique voit-elle peut-être la Vierge Marie dans cette prophétie sur Jérusalem ? Personnellement, je la vois beaucoup mieux en Isaïe 7, 10-16. La jeune fille enceinte qui enfante l’Emmanuel, oui, c’est sans doute la mère de Jésus. Je la vois aisément aussi en Sophonie 3, 14-18 :
Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem !
Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir !
Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira,
comme aux jours de fête. » J’ai écarté de toi le malheur, pour que tu ne subisses plus l’humiliation.
De là à voir la Vierge Marie partout dès qu’il y a dans les Prophètes une métaphore féminine, non, c’est un pas que même en tant que catholique, je ne franchis pas.
Force est de constater que ces prophéties ne peuvent pas non plus concerner une ville, fût-elle Jérusalem. Qui serait Dieu pour préférer une ville à n’importe laquelle de ses créatures ?
Ce qui me semble intéressant, c’est que la personne symbolisée par Jérusalem est éminemment féminine. C’est finalement un peu orgueilleux de la part des hommes d’Eglise de tous les temps de dire, dès qu’il y a une métaphore féminine dans la Bible, que cela concerne “le peuple de Dieu” ou encore “l’ensemble des croyants”, manière de s’inclure une fois de plus dans une réalité divine qui ne les concerne pourtant peut-être pas, eux qui, en tant qu’hommes, se voient partout, dans le Christ et dans toutes les œuvres de Dieu. Quoiqu’ils disent, cette attitude ne nous sort toujours pas de l’antique patriarcat.
Il nous faut plutôt imaginer, dans Sion que Dieu veut à tout prix défendre :
Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas,
et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse
que sa justice ne paraisse dans la clarté,
et son salut comme une torche qui brûle.
Et les nations verront ta justice ;
tous les rois verront ta gloire.
une femme élue par Lui qui survient après son Fils Jésus, tout comme cette Jérusalem glorieuse en Isaïe survient après le Serviteur souffrant qui préfigure si bien Jésus (Isaïe 53).
Une femme élue de Dieu envoyée par Lui, après le Christ, par le Christ, pour le Christ. N’y a-t-il pas trois Personnes dans la Trinité Sainte ? Pourquoi l’Esprit Saint ne serait-il que cette idée abstraite, selon les théologiens, d’une “circulation d’amour entre le Père et le Fils” ? Où serait donc la féminité originelle dans une vision aussi restreinte de la Trinité ?
Je crois bien plutôt qu’après avoir envoyé s’incarner le Verbe, le Père, première Personne de la Trinité, a aussi envoyé s’incarner la Sagesse, troisième Personne de la Trinité, quant à elle éminemment féminine, fille de Dieu et sœur du Christ Jésus par le baptême. Et que c’est à son sujet que maints versets d’Isaïe prophétisent quand ils évoquent une Jérusalem personnifiée.
Une Sagesse bafouée par les hommes, à commencer par ceux de la religion de son baptême, une femme délaissée par tous les hommes de sa génération en sa propre histoire au milieu d’eux, une femme qui a connu l’extrême désolation dans des souffrances aussi injustes que celles du Verbe alors qu’elle était innocente des fautes et maux qu’on lui attribuait, une femme aussi suppliciée psychiquement et spirituellement que le Fils l’a été corporellement. Une femme rejetée longtemps par sa génération et ses coreligionnaires tout autant que le Christ Jésus l’a été par les siens.
Mais Dieu n’a toujours pas dit son dernier mot.
Le Christ Jésus doit revenir glorieux.
Quant à elle, cette femme baptisée qu’il a, entre toutes, préférée, sa justice paraîtra dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle.
Amen, viens, Seigneur Jésus !