En ce temps-là, Jésus sortit de nouveau le long de la mer ; toute la foule venait à lui, et il les enseignait.
En passant, il aperçut Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.
Comme Jésus était à table dans la maison de Lévi, beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec Jésus et ses disciples, car ils étaient nombreux à le suivre.
Les scribes du groupe des pharisiens, voyant qu’il mangeait avec les pécheurs et les publicains, disaient à ses disciples : « Comment ! Il mange avec les publicains et les pécheurs ! »
Jésus, qui avait entendu, leur déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »
Marc 2, 13-17
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Je voudrais saisir l’occasion de la méditation en Eglise de ces versets de Marc pour éclaircir un peu la question de Jésus par rapport aux pécheurs. Entendons bien, ceux qui pèchent, “en pensée, en parole, par action et par omission” (Confiteor), c’est-à-dire, bien sûr, un peu nous tous. Il faudrait être parvenu à un très haut degré de sainteté pour ne plus pécher, à la suite du Christ, d’aucune de ces quatre manières.
Ne pas encore y être parvenus ne signifie cependant pas que nous soyons, en tant que chrétiens, dispensés de chercher à atteindre cet idéal de la vie chrétienne. L’Apôtre Paul par exemple nous le répète souvent dans ses écrits, ici en 1 Thessaloniciens 4, 3-7 :
La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté, en vous abstenant de la débauche, et en veillant chacun à rester maître de son corps dans un esprit de sainteté et de respect, sans vous laisser entraîner par la convoitise comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu. Dans ce domaine, il ne faut pas agir au détriment de son frère ni lui causer du tort, car de tout cela le Seigneur fait justice, comme nous vous l’avons déjà dit et attesté. En effet, Dieu nous a appelés, non pas pour que nous restions dans l’impureté, mais pour que nous vivions dans la sainteté.
[Fin de citation]
Evidemment, il ne s’agit pas seulement de viser la sainteté par un corps qui ne nuise pas à son prochain, mais aussi par tout un comportement personnel qui traduise jour après jour notre volonté de mettre en œuvre la Parole du Christ. Et là, je trouve que le discours chrétien est parfois bien mou. On met facilement en exergue la parole de Jésus : “Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.” Or, je voudrais relever deux éléments de cette parole :
– Jésus dit bien : “Je ne suis pas venu”, il parle là de sa venue dans l’incarnation, inscrite dans l’histoire des hommes il y a 2000 ans. Il parle de son premier avènement, dont les chrétiens font mémoire chaque année à Noël depuis vingt siècles, ce qui fait déjà un sacré bout de temps ! Bref, vivre en 2020 comme si cet événement n’avait jamais eu lieu et que la Parole du Christ n’était pas facilement consultable, pour en prendre connaissance, en un seul clic sur la toile ou dans toute Bible de nos jours – j’excepte les contrées où le christianisme est pourchassé et puni par la loi – c’est déjà faire preuve d’une certaine malice ou au moins d’un soupçon de mauvaise volonté.
– Jésus dit aussi : “appeler”. A dessein, il n’a pas dit : “Je ne suis pas venu absoudre des justes, mais des pécheurs.” Il est venu appeler. Il ne s’est pas contenté de pardonner les péchés de ses contemporains à peu de frais : il appelle Lévi, pécheur, et Lévi le suit. Autant dire qu’il va changer de vie, ne plus être collecteur d’impôts, vivre aux côtés de Jésus et l’accompagner dans son ministère de prédication, bref, Lévi s’est amendé. Largement.
Alors je voudrais souligner que de nos jours, le discours chrétien dégoulinant de miséricorde nous met parfois en porte-à-faux avec la parole profonde du Christ Jésus. Jésus est venu nous arracher au péché, à grands frais pour lui, jusqu’aux tortures de sa passion et de sa crucifixion. Nous avons donc tort de penser, même comme chrétien, que ce n’est finalement pas bien grave de pécher, nous sommes si faibles, et puis hop, un petit tour au confessionnal, on est absous, c’est magnifique, et comme on est décidément faible, eh bien on a encore le droit de chuter, et encore, et encore… On sera absous, avec un peu de bonne contrition, et comme Jésus a bien voulu mourir pour nous, allez, on ira tous au paradis…
Je réagis aussi, dans cet article, à des horreurs que j’ai pu lire cette semaine dans la presse. Ce prêtre que je ne citerai pas abusait d’enfants qui lui étaient confiés dans le Seigneur, il se confessait, recevait l’absolution, était enjoint à ne plus recommencer mais pas à se faire soigner ni à se dénoncer à la justice, et, pauvre faible créature, il sévissait de nouveau… En quoi s’amendait-il ? En quoi sa conversion était-elle réelle ? Ses confesseurs sont-ils bien certains qu’ils absolvaient “in persona Christi” et non par souci de sauver les apparences ecclésiales ?
Une chose est certaine : Jésus ne reviendra jamais petit bébé pour grandir au milieu des pécheurs et prendre son repas avec eux demeurant plongés dans leur péché. Non !
“Il reviendra dans la gloire, pour JUGER les vivants et les morts. ” (Credo de Nicée-Constantinople)
Ah, qu’ai-je écrit là en capitales ! Un mot haï, honni, banni du vocabulaire chrétien. Est-ce la raison pour laquelle l’Eglise s’est crue si longtemps au-dessus de la justice des hommes ?
Eh bien, j’ose le réaffirmer aujourd’hui : “Il reviendra dans la gloire, pour JUGER les vivants et les morts. ”
Oui, et sans doute bientôt ! Et nous verrons bien, à son second avènement, si le Christ revient pour festoyer avec les pécheurs qui nuisent à leur prochain ou pour consoler éternellement leurs victimes.
Image : L’appel de Matthieu / Lévi au bureau des taxes Le Caravage