Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?
Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous.
Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage.
Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Il est écrit en effet : ‘C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté.’
Il est écrit encore : ‘Le Seigneur le sait : les raisonnements des sages n’ont aucune valeur !’
Ainsi, il ne faut pas mettre sa fierté en tel ou tel homme. Car tout vous appartient,
que ce soit Paul, Apollos, Pierre, le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir : tout est à vous,
mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.
1 Corinthiens 3, 16-23
Textes liturgiques©AELF
La Parole que nous lisons personnellement ou en Eglise est vivante, et je sais que de nombreux catholiques, tout comme moi, ont trouvé ce matin que cet extrait de la première Epître aux Corinthiens entrait singulièrement en résonance avec l’actualité de cette fin de semaine. Comment ne pas penser à ce “saint vivant” qu’était Jean Vanier pour beaucoup de chrétiens, déchu en quelques heures de son piédestal en raison de la révélation d’abus spirituels et sexuels avérés dont il s’est rendu coupable pendant une bonne partie de sa vie ?
Je ne m’étendrai pas davantage sur le cas de cet homme aux mains également pleines d’œuvres bonnes, mais je saisis l’occasion de cette lecture liturgique pour redire mon aversion pour toute forme d’idolâtrie.
Les Baal contemporains ne sont plus des divinités païennes auxquelles les idolâtres offrent des sacrifices, mais bien souvent des personnes que, pour une raison ou pour une autre, on érige en êtres supérieurs et dont on se veut les “fans” dans ce monde en perte de repères.
Depuis les adolescents et leurs idoles de la chanson jusqu’aux inconditionnels de tel ou tel acteur ou actrice, cinéaste, sportif/ve, star dans quelque domaine que ce soit, nombre de nos contemporains se comportent en idolâtres de créatures qui brillent à leurs yeux pour de bonnes ou de moins louables raisons. Et si les tabloïds se portent bien, c’est bien qu’il existe des gens friands “d’actualités people” pour les lire.
J’ai remarqué souvent que mes proches non-croyants avaient besoin de tels héros. Ils font la promotion de leurs actualités, œuvres, conférences, livres, comme s’ils voulaient gagner autrui à leur propre passion. Ils ont des mines décomposées quand leur champion/ne apparaît dans les nécrologies. Ils adoptent ses idées selon une interview, les paroles d’une chanson, une réplique de film… Et ce sont les mêmes, souvent, qui me croient dans la vaine illusion voire le parti pris quand ils découvrent que je suis profondément chrétienne. Qui comprendra que tout ce qu’ils recherchent à tout vent de doctrine, je l’ai dans la personne du Christ et dans la vivante Parole de Dieu ? Je les sens parfois à deux doigts de me dire que j’idolâtre bien Jésus, moi.
Nuance : j’aime plus que tout le Fils de Dieu, et j’adore en esprit et en vérité le Père éternel.
Je pense que l’humain est ainsi fait qu’il a besoin de se référer à plus haut que lui. Et ainsi, ceux qui ont évacué Dieu de leurs préoccupations y mettent une idole à la place, que ce soit une créature ou la dernière avancée technologique du moment…
Plus étonnant est le fait que des croyants tombent dans le même piège, adulant telle ou telle personne qui leur semble au-dessus de la mêlée en matière de discours, d’œuvres ou de supposée sainteté. Et dès que l’esprit critique et la vigilance vis-à-vis d’une telle créature s’abolit, le risque de mettre cette personne à la place même du Seigneur s’installe. Ces héros du christianisme s’attirent tous les honneurs, on les écoute avidement, on les invite à donner des conférences, on se sent pousser des ailes quand on parvient à se faire une petite place à leurs côtés. A qui cela ne monterait-il pas à la tête ? Qui, devenant gourou, fera encore l’effort de contrer la tendance peut-être déjà présente en lui à la prédation spirituelle voire sexuelle ?
En ce début d’année 2020, je vois l’Eglise catholique de mon baptême K.O après tant de révélations d’abus par des fondateurs et des témoins longtemps portés aux nues.
Et si Dieu, justifiant enfin leurs victimes, voulait nous dépouiller de nos mauvaises idoles ? Et s’il voulait, par cette succession de douches froides, nous ramener vers Lui, le seul qui mérite culte et adoration ?
Saisissons-nous de ce temps de Carême qui commence mercredi pour faire le vide dans nos temples trop plein d’idoles, et rendre à la Trinité la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre dans nos cœurs de baptisés.
Image : Elie et les prophètes de Baal au mont Carmel