Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu ;
en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi,
vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire,
car vous allez obtenir le salut des âmes
qui est l’aboutissement de votre foi.
1 Pierre 1, 8-9
Pour cette petite méditation dominicale, je préfère partir de cet extrait de la première Epître de Pierre plutôt que de l’évangile du jour – Jean 20, 19-31 – qui, année après année depuis que je suis toute petite fille, m’incommode : je n’ai jamais compris le doute de l’apôtre Thomas, sa résistance insistante à nier la résurrection du Christ, lui qui avait le privilège d’être de ses disciples et qui recevait de ses compagnons de route un témoignage direct, en plus de celui des femmes du matin de Pâques. Et ainsi, quand les prédicateurs font du doute de Thomas une norme qui nous concernerait tous, je me sens offensée. Je ne cesserai d’en témoigner : ma foi a toujours été totale en la vérité du Christ Jésus. Ce sont de très nombreux et graves contre-témoignages au sein même de l’Eglise catholique, associés à une pression massive du monde contre ma foi naturelle si sincère dès la prime enfance qui m’ont fait douter de l’existence de Dieu à l’entrée dans l’âge adulte. Avec tant de recul, je ne puis plus battre ma coulpe au sujet de ces quinze années de doute: j’ai lutté de toutes mes forces pour garder intacte ma confiance en Jésus et sa Parole tandis que tout autour de moi, de mon milieu étudiant puis professionnel à mon cercle d’amis en passant par les hommes de ma vie et ce pays impie qu’était la France de ces années-là, tout, oui, autour de moi, me harcelait pour que j’abdique ma foi chrétienne. J’ai subi, de mes 18 à mes 33 ans, un véritable lynchage de la foi pure et active qui m’avait toujours animée.
Alors aujourd’hui, en ce dimanche de la Miséricorde, j’ai du mal à accepter, même de la part du pape François que j’aime pourtant beaucoup écouter, que ces prédicateurs masculins prennent pour universelles leurs propres luttes intérieures entre le bien et le mal, leurs doutes comparables à ceux de Thomas, quand ils réclament encore et encore des preuves matérielles ou scientifiques de l’existence de Dieu, de la filiation divine de Jésus, de la résurrection du Christ au matin de Pâques… J’en veux à ces prédicateurs qui prétendent que nous sommes tous à égalité dans la lutte contre le péché qui nous serait aussi spontané aux uns qu’aux autres : je dis non, car je connais beaucoup de femmes à la foi vive et très naturelle en elles, enclines profondément au bien, naturellement miséricordieuses et charitables. Oui, je connais beaucoup de ces femmes qui ont la même foi chevillée au cœur que moi, et qui doivent lutter contre un environnement les incitant toujours davantage à pécher, souvent malgré elles.
Et malheureusement, je connais aussi beaucoup de femmes qui ont abdiqué la foi de leur enfance ou de leur jeunesse pour ne pas déplaire à un monde et surtout à un environnement masculiniste qui prône toutes les valeurs contraires à l’Evangile. Se laissant gagner par le monde, elles renoncent à l’amour de la Parole de Dieu pour avoir la paix avec autrui, notamment avec les fortes personnalités masculines qui les entourent. Et que dire de toutes ces fillettes et femmes que l’on a privées dès leur plus tendre enfance d’accès à la vérité du Christ Jésus ? Il y a peu de chances qu’elles évoluent vers une conversion dans un monde qui nie à ce point la pertinence de la Parole de Dieu, et qu’elles soient attirées par des églises qui pratiquent autant le culte que le contre-témoignage le plus abject.
Je voudrais conclure sur ce verset :
car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi. (1 Pierre 1, 9)
Là aussi, que de déni au cœur même de l’Eglise ! Que de fois n’ai-je pas dû entendre que Dieu seul sauve, et qu’une âme, aussi immolée dans la foi pure soit-elle, ne pouvait rien pour le salut de son prochain !
Je dis qu’il y a là un mystère de rédemption que seules des âmes authentiquement contemplatives et embrasées d’amour pour le Seigneur peuvent comprendre. Sainte Faustine fut de celles-là, elle qui nous a valu cette fête de la Miséricorde.
J’appelle de mes vœux une reconnaissance de la foi vivante, sincère et agissante de bien des femmes, même en vie, même s’exprimant, même contestant une supposée suprématie spirituelle des clercs et de tous les scribes contemporains. Que l’on cesse d’affubler toute femme d’une carapace de pécheresse, pour qu’elle s’épanouisse enfin, loin d’un sentiment originel de culpabilité, dans la joie d’être une créature aimée de Dieu, digne de le louer et de faire connaître sa Parole.
Image : Christ de douleur Attribué à Martin Hoffmann, XVIe Musée Unterlinden, Colmar