En ces jours-là, à Iconium, il y eut un mouvement chez les non-Juifs et chez les Juifs, avec leurs chefs, pour recourir à la violence et lapider Paul et Barnabé.
Lorsque ceux-ci s’en aperçurent, ils se réfugièrent en Lycaonie dans les cités de Lystres et de Derbé et dans leurs territoires environnants.
Là encore, ils annonçaient la Bonne Nouvelle.
Or, à Lystres, il y avait un homme qui était assis, incapable de se tenir sur ses pieds. Infirme de naissance, il n’avait jamais pu marcher.
Cet homme écoutait les paroles de Paul. Celui-ci le fixa du regard et vit qu’il avait la foi pour être sauvé.
Alors il lui dit d’une voix forte : « Lève-toi, tiens-toi droit sur tes pieds. » L’homme se dressa d’un bond : il marchait.
En voyant ce que Paul venait de faire, les foules s’écrièrent en lycaonien : « Les dieux se sont faits pareils aux hommes, et ils sont descendus chez nous ! »
Ils donnaient à Barnabé le nom de Zeus, et à Paul celui d’Hermès, puisque c’était lui le porte-parole.
Le prêtre du temple de Zeus, situé hors de la ville, fit amener aux portes de celle-ci des taureaux et des guirlandes. Il voulait offrir un sacrifice avec les foules.
Informés de cela, les Apôtres Barnabé et Paul déchirèrent leurs vêtements et se précipitèrent dans la foule en criant :
« Pourquoi faites-vous cela ? Nous aussi, nous sommes des hommes pareils à vous, et nous annonçons la Bonne Nouvelle : détournez-vous de ces vaines pratiques, et tournez-vous vers le Dieu vivant, lui qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu’ils contiennent.
Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs chemins.
Pourtant, il n’a pas manqué de donner le témoignage de ses bienfaits, puisqu’il vous a envoyé du ciel la pluie et des saisons fertiles pour vous combler de nourriture et de bien-être. »
En parlant ainsi, ils empêchèrent, mais non sans peine, la foule de leur offrir un sacrifice.
Actes des Apôtres 14, 5-18
Textes liturgiques©AELF
Cet extrait des Actes des Apôtres arrive à point nommé pour revenir sur un aspect de notre relation à la parole de l’Apôtre Paul que j’évoquais déjà dans la méditation de samedi 9 mai en lien ci-dessous :
Paul et Barnabé sont ici on ne peut plus clairs quant à leur humanité semblable à celle de tous les autres hommes : s’ils ont réalisé un signe fort en rendant la marche à un infirme de naissance, c’est au Nom du Seigneur Jésus et non en leur nom propre. C’est la puissance du Ressuscité, dans l’exaucement du Père, qui accorde la guérison à cet homme handicapé, à l’intercession du croyant Paul et par la foi du miraculé. Et Paul et Barnabé ont alors raison de s’opposer à la déification dont la païens de Lystres voudraient les honorer.
Cela m’inspire deux réflexions : les faiseurs de miracles contemporains, qu’ils soient issus d’une église évangélique, protestante ou catholique ont-ils tous la même réaction saine et humble que Paul et Barnabé ici ? Le fait est qu’un certain nombre d’entre eux, pasteurs ou prêtres, sont adulés par les foules et révérés comme des saints vivants. Il suffit de lire les invitations dithyrambiques à leurs super soirées de guérisons corporelles ou psychiques et spirituelles pour se rendre compte que leurs promoteurs ne sont pas loin de les couvrir de guirlandes – pour dire les choses de façon “soft” – au long de leurs tournées…
Une autre réflexion qui me tient très à cœur, c’est de comprendre comment on en est venu, en Eglise, là aussi réformée ou catholique, à considérer les écrits de Paul comme “Parole de Dieu”. Paul insiste lourdement dans l’extrait des Actes ci-dessus sur le fait qu’il est un homme comme tous les autres hommes, donc pécheur, donc susceptible de se tromper, à la grande différence du Christ Jésus qui est pur de tout péché et dont toute la Parole est véridique, Lui qui est le Verbe de Dieu. Alors certes, Paul est l’évangélisateur des païens que le Seigneur s’est choisi, mais comme disait François de Sales “Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie.” Et dans Paul comme dans tout homme qui n’est pas le Christ, il y a de l’hommerie ! Pourquoi s’obstiner alors à dire à la messe après une lecture tirée des écrits de Paul : “Parole du Seigneur” ? Pourquoi les plus rigoristes des chrétiens considèrent-ils les passages discutables de Paul, notamment ses tirades patriarcales et misogynes, comme Parole même de Dieu ? Faisant cela, ils ne se comportent pas mieux que les païens de Lystres : ils font de Paul un quasi dieu qui n’aurait pas pu se tromper, voire trahir l’esprit du Verbe. Que l’on me présente dans les paroles de Jésus consignées dans les Evangiles un seul verset misogyne qui aurait pu inspirer Paul et les prêtres, pasteurs et maris se réjouissant à sa suite de se sentir fondés à brimer les femmes en couple, en famille ou dans les églises et temples. On n’en trouvera pas. J’ose le dire, moi qui suis lectrice dans ma paroisse : quand vient dans la liturgie un extrait tel qu’Ephésiens 5, 21-33 ou 1 Corinthiens 11, 2-16 ou 14, 34-35 ou encore Colossiens 3, 18-25, je cède ma place à qui veut bien les lire, car je suis incapable de dire “Parole du Seigneur” à l’ambon après de tels propos de Paul qui sont de l’homme Paul et de son entourage patriarcal à cette époque et non de Dieu. Ce serait mentir que d’attribuer des idées aussi phallocrates à Dieu, et je me refuse à le faire comme je me refuse à mentir dans toute situation de ma vie et a fortiori à l’ambon.
Prenons donc la mesure de ce que nous faisons de païen et d’idolâtre quand nous ne voulons plus voir l’humanité faillible de Paul comme de n’importe quel autre apôtre, y compris leurs successeurs et jusqu’aux papes. La terre n’a jamais porté qu’un seul homme véridique en toute chose, c’est le Christ Jésus et Lui seul, il serait bon de s’en souvenir un peu plus dans notre langage et nos rituels ecclésiaux de même que dans nos relations humaines.
Image : Le sacrifice de Lystres Raphaël XVIe