En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie.
Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.
Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.
Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais.
Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.
Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »
Jean 17,11b-19
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Jésus a donné au monde la Parole de vérité du Père, il l’a confiée à ses disciples, et ils vont goûter comme leur Seigneur à la béatitude de la persécution pour la justice. Béatitude ? Sur le moment, certes non. C’est bien difficile d’être moqué, raillé, d’attirer à soi le doute, les sarcasmes et le mépris quand on annonce une vérité confiée à soi par le Seigneur en personne.
Les successeurs “officiels” des apôtres ont de nos jours tôt fait de prendre pour eux-mêmes ces avertissements de Jésus. Certes, les clercs sont moqués, raillés et méprisés par beaucoup de nos contemporains. Mais il convient d’examiner la cause de ces persécutions. Sont-ils en butte à l’impopularité parce qu’ils annoncent l’Evangile, ou parce qu’ils ont failli dans cette annonce ?
Les deux cas de figure existent. Parmi les clercs, il y a parfois d’authentiques prophètes, qui annoncent sincèrement la Parole du Seigneur Jésus et en vivent concrètement. Et ceux-là sont alors toujours persécutés pour la vérité, comme Jésus l’annonce ici dans sa grande prière sacerdotale en Jean 17,1-26.
Mais il existe un autre cas de figure, très répandu : des clercs vivent et se comportent à revers de l’Evangile, ils ont acquis le goût du pouvoir, ne supportent pas d’être contestés au nom d’une soit-disant autorité naturelle que leur confèreraient leur ordination et leur allégeance à la doctrine de l’Eglise. Ils extrapolent volontiers sur l’Evangile, se saisissent de telle ou telle parole du Christ pour en tirer tout un enseignement moral et discourent essentiellement sur des questions sexuelles, familiales et bioéthiques. Et cela en n’étant pas toujours innocents de dissimulations de crimes de mœurs ou d’emprise spirituelle au sein même de l’organisation ecclésiale. Il me semble alors un peu facile de crier à la persécution pour la vérité. “Qu’est-ce que la vérité ?”, disait Pilate à Jésus (Jean 18, 38). Voilà ce dont nous devons nous souvenir. Qu’est-ce que la vérité, en Christ ?
L’Eglise catholique romaine prétend posséder le dépôt fidèle de la foi chrétienne. Moi qui suis baptisée catholique, j’avoue que je n’ai pas pu trouver ailleurs énoncés de foi plus proches de l’enseignement du Seigneur Jésus. Mais je reconnais volontiers qu’il y a dans la doctrine catholique tout un fatras de fausses croyances et de dévotions dévoyées qui placent en permanence le catholique sur le fil risqué de l’idolâtrie. Et c’est particulièrement vrai pour tous les développements ultérieurs à l’Eglise primitive qui concernent le culte à Marie, mère de Jésus, et aux saints officiellement canonisés. Il y a dans les doctrines mariales des aberrations indéfendables de nos jours. Et si vous avez la lucidité et l’audace de les mettre au jour, attendez-vous à la vraie persécution : celle pour défendre la vérité, vos plus farouches adversaires émanant de l’Eglise catholique même et pas du monde ni des autres religions. Quand on a nourri et officialisé l’erreur depuis des siècles, rien de plus inconfortable que de le reconnaître humblement et publiquement. Quand on continue à enseigner dans les catéchèses des mensonges théologiques aux enfants et jeunes ou adultes catéchumènes, rien de plus malaisé que de faire machine arrière et de confesser que l’on s’est lourdement trompé.
Le Christ a voulu que ses disciples – tous les baptisés – soient un, sanctifiés dans la vérité. Or je dis que l’œcuménisme sera impossible tant que les catholiques continueront à se cramponner à des doctrines mariales erronées dès l’origine, et tant que les réformés relativiseront toute la doctrine du salut, y compris l’aspect sacrificiel de la vie de Jésus.
On va me rétorquer : mais qui êtes-vous donc pour avoir l’audace de remettre les doctrines ecclésiales en question ?
Eh bien, je réponds : je suis celle qui n’a pour tout CV qu’un baptême catholique avec tous les sacrements qui lui sont consécutifs, sauf l’Ordre et le mariage, un diplôme d’institutrice et une expérience de mère de trois enfants. Mais j’ai pour moi la confiance profonde du Père et du Fils. J’ai pour moi d’avoir été, dans l’Esprit Saint, consacrée au Seigneur Jésus dans la vérité et pour la vérité. Et je ne cesse de me faire, à travers mes écrits, leur porte-parole pour que cette vérité éclate enfin au grand jour. Dussé-je être persécutée verbalement, psychologiquement, spirituellement et socialement. Voire excommuniée un jour de l’Eglise de mon baptême et de toute ma lignée familiale.
Au nom de la Vérité, je suis prête à tout assumer. Sauf de perpétuer moi-même le mensonge théologique et doctrinal.
Image : La Prière sacerdotale 1900-1918 Eugène Burnand Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne