En ce temps-là, Jésus disait : Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste.
Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau !
Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance !
Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur aussi devienne pur.
Matthieu 23, 23-26
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
On le sait bien, Jésus ne mâchait pas ses mots vis-à-vis des pharisiens.
Mon propos du jour ne s’attardera pas sur ce fait. Bien davantage me frappe ce qu’il cite en précisant :
Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste.
Que fallait-il donc pratiquer aux yeux de Jésus ?
la justice, la miséricorde et la fidélité.
Nous voilà ici avec une clé de ce que Dieu attend de nous dans notre vie individuelle et collective : la justice, la miséricorde et la fidélité.
Je remarque ici que Jésus met à la première place la justice. Avant la miséricorde ! Et ne pourrions-nous pas nous interroger sur la place que nous accordons à la justice dans notre vie personnelle et collective ?
J’observe que souvent, dans l’Eglise catholique à laquelle j’appartiens, le terme de justice est devenu presque tabou, comme le sont tous les mots issus du verbe juger. J’ai lu récemment, je ne sais plus chez qui, que finalement, la justice de Dieu, c’était sa miséricorde ! Or là je ne suis pas d’accord, et pour preuve, Jésus cite les deux, ici la justice en premier.
Est-ce à cause de ce déni du sens de la justice et de l’inflation du discours ecclésial sur la miséricorde ces dernières décennies que nous nous retrouvons aujourd’hui avec quantité de victimes d’abus sexuels ou spirituels qui, au cœur de l’Eglise, n’ont trouvé ni justice, ni même consolation, tandis que leurs prédateurs se prévalaient de la miséricorde de Dieu pour obtenir l’absolution de leurs crimes en confession et même pousser l’audace jusqu’à exiger de leurs victimes un pardon déculpabilisant pour eux-mêmes ?
Je trouve qu’en Eglise, on pousse vraiment trop loin le sens de la miséricorde, et je ne dédouane pas le pape François, que pourtant j’apprécie, de ce travers. A force d’avoir affaire à une institution ecclésiale criblée d’ignominies sous des apparences de sainteté et de sacralité, certes, on a besoin de la miséricorde de Dieu pour s’en sortir la tête haute, mais que faire de sa justice ?
Car j’en demeure profondément persuadée : notre Dieu est toujours bien davantage du côté de la victime blessée que du criminel sans remords. Le Dieu auquel je crois se penche sur tous les innocent(e)s – il y en a !!! – et non content de leur apporter consolation, il leur fera aussi justice s’ils crient vers lui jour et nuit.
Il est grand temps, je crois, de remettre en question en Eglise le “tout miséricorde” qui plaît tant aux grands pécheurs, leur procurant des rêves d’impunité éternelle. Remettre au goût du jour la justice dans le discours ecclésial serait peut-être le début d’un recadrage de notre foi, et la fin de la licence pour tous les vices dans cette société, Eglise comprise, qui piétine les droits fondamentaux des plus humbles au profit des prédateurs qui se croient toujours pardonnés d’avance, triomphant parfois même du remords.