En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, entendit parler de tout ce qui se passait et il ne savait que penser. En effet, certains disaient que Jean le Baptiste était ressuscité d’entre les morts.
D’autres disaient : « C’est le prophète Élie qui est apparu. » D’autres encore : « C’est un prophète d’autrefois qui est ressuscité. »
Quant à Hérode, il disait : « Jean, je l’ai fait décapiter. Mais qui est cet homme dont j’entends dire de telles choses ? » Et il cherchait à le voir.
Luc 9, 7-9
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
En méditant cet évangile ce matin, je me pose cette simple question : si le Christ était concrètement au milieu de nous de nos jours, les grands de ce monde entendraient-ils parler de lui? Ses faits et gestes, sa parole parviendraient-ils jusqu’aux dirigeants de sa nation ? De qui ceux-ci entendent-ils parler, et de quels faits s’étonnent-ils ou s’émerveillent-ils ?
Arrêtons-nous à notre pays. Avec la laïcité dure en vogue, il est fort probable que nos dirigeants balaieraient d’un revers de la main des faits positifs émanant d’une sensibilité religieuse particulière. Par souci de ne pas indisposer les autres croyants mais aussi avant tout par indifférence. Le beau et le bon qui peuvent émaner d’une religion n’intéressent guère dans ce pays. On ne se penche sur un culte donné qu’en cas d’événement médiatique négatif ou dramatique : obstruction faite à une œuvre attaquant une croyance, manifestations partisanes, prise de parole officielle s’opposant à une loi de la République, et, plus tragiquement terrorisme. C’est d’ailleurs cette image-là des religions qu’acquièrent dans notre pays les personnes indifférentes à Dieu dans leur vie personnelle.
J’en reviens au Christ présent au milieu de nous à l’époque contemporaine. Qui s’y intéresserait ? Il serait humble, ne solliciterait pas les médias et accomplirait peut-être quelques miracles, mais à l’heure de la science toute-puissante, cela ne lui permettrait pas de percer le mur de l’indifférence. Il y a bien quelques miracles à Lourdes, et nos contemporains français s’en moquent éperdument, les mettant sur le compte de l’hystérie ou de la mystification. Le Christ pourrait prêcher son Evangile de nos jours, peu de monde s’en soucierait, et d’ailleurs nos chers prélats catholiques s’indigneraient de ses prises de distance avec la doctrine et le dogme et seraient pour le coup les premiers à le persécuter. Ils feraient tout pour le faire taire, ou emprisonner, ou interner, dans l’indifférence des pouvoirs publics qui considéreraient ces différends comme un problème interne à l’Eglise.
Vraiment, que l’on y réfléchisse un peu avant de se gargariser d’un : “Ah, si le Christ était là, je serais un de ses disciples !” A voir, s’il prenait l’initiative de dénoncer toutes les dévotions idolâtres de nos chapelles et de nos lieux de fausses apparitions mariales. Ceux qui ont intérêt à ce que cette idolâtrie se poursuive deviendraient ses premiers persécuteurs.
Gageons donc que le Christ vivant au milieu de nous au XXIe siècle n’aurait pas bonne presse, et même pas de presse du tout. Quelques amis sincères intrigués par sa personne et ses prises de position, sans doute, mais des foules derrière lui, guère.
J’en veux pour preuve un seul exemple : dans les années 2000 s’est levé en France un authentique prophète, oh même pas debout, c’était une petite fille juive polyhandicapée privée peu à peu de toute sa motricité et ses sens. Par une technique de communication lui donnant accès à un clavier, elle a produit à huit ans un livre tout à fait extraordinaire “Le Livre d’Annaëlle”, paru en 2000 et préfacé par le grand rabbin de l’époque Joseph Sitruk. Il a un peu ému le monde juif, mais la planète littéraire et médiatique française, guère. Autant on avait fait de bruit pour “Le scaphandre et le papillon” de Jean-Dominique Bauby, autant on a passé en France sous silence le livre d’Annaëlle Chimoni, parce qu’il était trop véridique et trop dérangeant, et ce toutes religions confondues. Et pourtant, je l’affirme avec force, ce livre était authentiquement prophétique, et on ne pouvait pas en sortir sans croire en l’existence de Dieu d’une manière bouleversante et définitive. Annaëlle est morte à la préadolescence et je ne sais même pas si son livre est encore édité. Mais quand je vois avec quelle indifférence notre nation a accueilli ce chef d’œuvre de foi et de vérité, je me dis qu’après un prophète tel qu’Annaëlle, le messie en personne pourrait bien être au milieu de nous que la France entière s’en moquerait éperdument.