En ce temps-là, quand les femmes eurent entendu les paroles de l’ange, vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui.
Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »
Tandis qu’elles étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé.
Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme
en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.”
Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. »
Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. Et cette explication s’est propagée chez les Juifs jusqu’à aujourd’hui.
Matthieu 28,8-15
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
On n’a jamais fini de découvrir des trésors cachés dans la Parole de Dieu. Et ainsi, ce matin, lisant l’évangile du jour, j’ai été frappée par la salutation de Jésus ressuscité aux femmes qui s’étaient rendues de bon matin à son tombeau et qu’il a choisies lui-même pour les faire témoins de sa résurrection auprès de ses disciples. Des femmes de foi, des femmes de compassion pour Lui, des femmes de fidélité, des femmes de courage, des femmes d’écoute, des femmes de conviction dans le témoignage. Oui, en vérité, Jésus n’a pas choisi pour cette annonce majeure dans l’histoire de la Révélation divine Pierre qui avait failli trois jours avant ou Paul qui ne le rencontrera que bien plus tard dans une expérience mystique. Il a choisi Marie de Magdala, celle dont il avait chassé sept démons qui pourraient très bien correspondre à un psychisme tourmenté davantage qu’à la luxure que d’aucuns en Eglise et dans l’iconographie chrétienne veulent obstinément lui attribuer, et “l’autre Marie” qui n’est certes pas sa mère, sinon il en aurait été fait mention.
Par contre, Jésus choisit de les interpeller par la salutation même que l’ange adressa à la jeune Marie de Nazareth quelques trente-trois années auparavant : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » (Luc 1, 28)
Je te salue, je vous salue…
Et nous catholiques qui prions si régulièrement le “Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous”, d’où vient que nous omettions de considérer que les deux autres Marie du matin de la résurrection aient aussi été pleines de la grâce d’avoir le Seigneur Jésus avec elles de manière toute privilégiée en ce matin de Pâques ? N’est-ce pas là aussi une grâce insigne ? D’où vient l’obstination catholique à séparer Marie mère de Jésus du reste du genre féminin en la considérant comme “pleine de grâce” à la différence supposée de toutes ses sœurs en humanité ? Jésus aurait-il salué ces femmes-là en leur disant : “Je vous salue, femmes pécheresses, mais ne puis me révéler à vous.” ?
Bien au contraire, ce sont ces femmes qu’il a choisies pour leur révéler le mystère de sa résurrection, bien plutôt que ses douze disciples dont l’un déjà l’avait vendu aux soldats romains et les autres demeureraient tous dans l’incrédulité aux paroles de ses élues pour le témoignage ! (Luc 24, 11 : Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas.)
Seigneur Jésus, combien de temps faudra-t-il pour que les hommes qui prétendent avoir des droits sur la Révélation divine cessent de considérer leurs sœurs en humanité comme mineures dans le témoignage chrétien, en les plaçant à un rang inférieur à celui de ta mère choisie par le Père éternel pour t’enfanter mais non pour témoigner la première de ta résurrection ? N’as-tu pas toi-même voulu par avance nous saluer toutes dans notre grâce d’être femmes et “Capax Dei”, ouvertes à ta Parole de manière éminente et dociles à l’Esprit Saint que tu te plais à déverser sur nous de manière toute privilégiée ? N’as-tu pas voulu, par tout ton Evangile, souligner que tes plus belles louanges à une foi spontanée nous reviennent, et que même peut-être égarées un temps loin de Toi, nous sommes capables de devenir une fois réconciliées avec ton Père les plus fidèles et fiables de tes adoratrices et de tes témoins ?
Je rends grâce à cet évangile d’aujourd’hui car je me sens personnellement saluée par le Seigneur dans une grâce différente de celle qui fut faite à Marie de Nazareth il y a 2000 ans, mais non une grâce moindre : oui, je suis infatigable témoin de la résurrection de mon Seigneur, de sa vie indubitable en mon cœur et en mon âme, de sa Parole sans cesse renouvelée et cependant conforme aux Ecritures dans mon oraison. Et je ne me fatiguerai pas, 2000 ans après Marie de Magdala, de proclamer ici et ailleurs que le Seigneur a choisi ma pauvre personne, à travers grâces et bien des épreuves au creuset de la souffrance, pour témoigner inlassablement de la Vérité des Ecritures jusqu’à leur terme et de son retour prochain dans la Gloire. Dussé-je endurer encore et encore des soupçons de délire de la part des ordonnés qui s’obstinent depuis longtemps à ne pas vouloir me croire.
Image : Mosaïque de Laurence Torno “Une prière pour le monde”, Exposition “Femmes de la Bible” à l’église Saint Léger de Guebwiller, 2019