En ce temps-là, Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. »
Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre
sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.
Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. »
Marc 10,28-31
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Dire, quitter, recevoir, être : voilà les verbes que le Verbe emploie dans cette parole fondamentale à ses disciples. Et chacun à son importance.
Le “dire” de Jésus, c’est toujours la vérité. Nous avons à nous y référer encore et encore pour discerner le chemin de nos vies. Le Christ Jésus est lui-même Chemin, Vérité et Vie (Jean 14, 6). Comment ne pas le choisir comme le plus sûr guide de nos pérégrinations terrestres si nous voulons goûter près de Lui la vie éternelle ?
Mais pour cela, il nous faut “quitter”. Quitter nos conforts et nos certitudes qui ne sont pas enracinées en Lui. Quitter nos déterminismes sociaux et familiaux. Nombre de grands saints comme François ou Claire d’Assise ont renoncé à des conditions de naissance privilégiées pour choisir la pauvreté à la suite du Christ. Des catéchumènes issus de familles areligieuses choisissent le baptême pour mener une vie évangélique. Et être issu d’une famille déjà catholique ne signifie pas forcément en accepter tous les rites et conventions sans les remettre, au moins un temps, en question. Suffit-il d’être chrétien par héritage et habitude pour être un baptisé prenant à cœur sa mission de témoignage ? Suffit-il d’être “en règle avec l’Eglise” en recevant tous les sacrements si on ne développe pas ensuite une foi agissante ?
Quitter aussi, quand on veut un engagement radical à la suite du Seigneur Jésus, des lieux et des personnes, comme on doit quitter son père et sa mère pour s’attacher à une épouse, à un époux. Le Seigneur apprécie l’amour total pour sa Personne. Le choisissant Lui plutôt que tout(e) autre, on est plus assuré de ne pas être partagé dans ses choix de vie. Même un époux peut détourner une âme du choix d’une vie véritablement évangélique. Un époux peut concevoir de la jalousie vis-à-vis du Christ Jésus quand une âme le chérit. C’est lui d’abord, l’époux terrestre, qui veut être admiré voire adulé par son épouse ! Depuis vingt siècles, les femmes qui se consacrent au Seigneur dans la chasteté ont compris cela. Elles fuient les partenaires qui pourraient les maintenir clouées au sol du matérialisme et de la dépendance affective. Donner toute sa vie au Seigneur permet à l’âme de s’élever totalement libre vers Lui. A condition toutefois de ne pas tomber dans la dépendance d’un “berger” ou directeur spirituel jouant les gourous, qui pourrait tout aussi bien kidnapper l’âme consacrée à son profit. Cette liberté de quitter les attachements terrestres pour vivre véritablement de l’amour du Seigneur, Lui sait la récompenser au centuple en se faisant guide, compagnon de route, conseiller, consolateur. N’est-Il pas Lui-même la plus belle des récompenses, quand Il s’offre tout entier, aimant et candide, à l’âme qui lui a offert maints renoncements ?
Oui, c’est alors qu’on peut “recevoir”. Recevoir la grâce de Dieu au centuple de ce que l’on avait espéré. Sortir de l’aridité spirituelle quand le Seigneur aura décidé que le moment en est venu. Recevoir les effluves incomparables de son amour qui surpasse tout amour humain. Et sans l’avoir même demandé, recevoir parallèlement des amis à aimer, des cœurs à chérir et à consoler, et même, parfois, des consolateurs dans les persécutions qui pour sûr ne manquent pas. Jésus nous en a prévenus !
Alors vient le temps de “l’être”. Etre dans l’ineffable joie de la foi assurée. Etre, davantage que faire et avoir. Etre assuré(e) de ne plus demeurer seul(e) quelles que soient ses circonstances de vie. Etre dans l’espérance permanente des bienfaits de l’oraison, dans la certitude des consolations divines. Etre fort(e) même dans l’apparente faiblesse. Etre en état de grâce. Etre dans l’exultation à la pensée que cette plénitude de la sérénité et de la joie spirituelle ne soit que les prémices de l’ineffable bonheur d’une éternité dans les bras de Dieu.