Ainsi parle le Seigneur : Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils.
C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours.
Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer au châtiment ?
Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent.
Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.
Osée 11,1.3-4.8c-9
Textes liturgiques©AELF
On choisit cet extrait du Prophète Osée en ce jour de la fête du Sacré-Cœur de Jésus, car il est maintenant communément admis en Eglise que ces prophéties n’évoquent pas seulement le peuple d’Israël, mais aussi le propre Fils de Dieu, Jésus de Nazareth, notre Seigneur et Sauveur. Oui, ces versets nous parlent de la tendresse d’un Dieu Père pour son propre enfant, cette merveille de l’humanité que fut le fils de Marie engendré de Dieu.
Plutôt que de nous abîmer en de pieuses dévotions un brin désuètes, en ce jour, en tant que chrétiens, nous devrions pousser plus loin notre appétit pour les allégories bibliques et nous demander honnêtement, si le peuple d’Israël préfigure le Christ Jésus par la prédilection que Dieu lui a portée, qui la ville de Jérusalem, objet aussi des prédilections du Père puis du Fils, préfigure quant à elle. Peut-on penser honnêtement qu’une simple ville, qui est d’ailleurs de nos jours à feu et à sang, soit toujours aujourd’hui première dans le cœur de Dieu ? Cela vaut-il la peine de se battre, de tuer ou de mourir pour une ville dont le nom n’est peut-être lui aussi qu’une allégorie de l’amour de Dieu pour ses créatures ?
Penchons-nous sur les prophéties attachées dans l’Ancien Testament à la ville de Jérusalem. Il y en a bien sûr énormément et je ne saurais, en un court billet, être exhaustive. Je ne citerai donc que :
Isaïe 3, 16-26 / 22, 1-14 / 30, 18-26 / 33, 17-24 / 49, 14-26 / 51, 17-23 / 52, 1-6 / 54, 1-17 / 60, 1-22 / 61, 10-11 / 62, 1-12 / 65, 17-25 / 66, 5-20
Jérémie 3, 14-18 / 10, 17-22 / 13, 18-27 / 31, 1-22 / 31, 38-40
Lamentations 2, 1-22
Baruc 4, 5-37 / 5, 1-9
Ezékiel 16, 1-63 / 22, 1-31
Il est frappant que Jérusalem y soit toujours personnifiée au féminin. Et la trame est dans chaque Livre un peu la même : cette Jérusalem féminine jouissait dès sa naissance de la prédilection du Seigneur, mais elle l’a trahi par infidélité, idolâtrie, prostitution. Vient alors sur elle la ruine par l’épée et la déportation. Puis la restauration, le retour de l’amour de son Seigneur, et enfin la gloire : elle voit son Roi, elle porte un diadème, elle est l’Epousée. La splendeur vient sur elle, elle devient Jérusalem céleste, elle est l’objet de l’exultation du Roi et de tout le peuple des rachetés.
Qu’avons-nous fait, en Eglise, de ces allégories ?
Il est un peu facile et court de dire “Jérusalem, c’est l’Eglise”. Qu’est-ce que l’Eglise sous-entendue ici ? L’ensemble des baptisés ? Et les non-baptisés alors, qu’en est-il d’eux ?
L’Eglise institution ? Qu’elle cesse donc de rêver d’une splendeur qu’elle n’atteindra plus jamais ici-bas ! Le temps de son pouvoir est révolu. Elle a suffisamment démontré son échec dans la volonté de coercition sur les âmes et sur les corps. Et les scandales parvenus au grand jour ces dernières décennies l’apparentent davantage à une organisation mafieuse où l’omerta est la règle qu’à une pure œuvre de Dieu.
L’Eglise des ordonnés et consacrés ? Encore faudrait-il que ceux-là soient exemplaires en matière de mise en pratique de l’Evangile ! Et franchement, je ne pense pas qu’un prélat en soutane fasse rêver l’Epoux comme le fait rêver la fiancée du Cantique des cantiques, à l’image de la passion du roi Salomon pour la Sagesse…
Je pense que la très grande erreur des théologiens a été de dépouiller Jérusalem, la ville sainte ou la cité céleste, de sa féminité. Une fois de plus, étant hommes mâles en majorité, ils ont voulu dépouiller l’autre moitié de l’humanité de la prédilection de Dieu sur elle, comme Il affirmait sa prédilection pour Jérusalem.
Alors aujourd’hui, en cette fête du Sacré-Cœur de Jésus, il serait justice de se demander, si Lui est le Fils bien-aimé du Père comme le peuple d’Israël dans lequel il est né l’a été avant son incarnation, qui est la femme qui personnifie Jérusalem dans ces temps qui sont les derniers, après son incarnation.
Image : Vincent Van Gogh “Les premiers pas” XIXe