Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
qu’ils offrent des sacrifices d’action de grâce,
ceux qui ont vu les œuvres du Seigneur
et ses merveilles parmi les océans.
Il parle, et provoque la tempête,
un vent qui soulève les vagues :
portés jusqu’au ciel, retombant aux abîmes,
leur sagesse était engloutie.
Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur,
et lui les a tirés de la détresse,
réduisant la tempête au silence,
faisant taire les vagues.
Ils se réjouissent de les voir s’apaiser,
d’être conduits au port qu’ils désiraient.
Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
de ses merveilles pour les hommes.
Psaume 106 (107), 21a.22a.24, 25-26a.27b, 28-29, 30-31
Je n’apprécie pas cette tendance contemporaine en théologie à nier la puissance de Dieu. On a parlé de Dieu “le Très-Bas”. On sous-entend très souvent de nos jours que Dieu n’aurait pour seule puissance que son amour et sa miséricorde. Et qu’il n’agirait sur le monde qu’à travers notre propre volonté modelée par la sienne à condition que nous nous mettions à son écoute. Fort bien.
Je pense qu’il y aura au moins un reproche que l’on ne pourra pas m’adresser : celui de ne pas être à l’écoute de Dieu. Car je ne fais que cela depuis plus de vingt ans et même au-delà. Que ce soit en scrutant les Ecritures, en me rendant réceptive à tout ce qui est dit sur elles et sur le Seigneur (essais de théologie, commentaires, homélies, discussions spirituelles…) ou dans ma propre prière. Et je pose cette question : si le Dieu Tout-Puissant de l’Ancien Testament est caduque et périmé, pourquoi continuons-nous à lire et méditer cette moitié de la Bible, pourquoi les religieuses et religieux chantent-ils les psaumes à longueur de jours et de vie ?
Or les psaumes nous parlent tous de la puissance d’un Dieu qui agit, et pas seulement sur notre âme et notre volonté, mais aussi sur la création et même les éléments. Alors bien sûr, un Dieu qui se met en colère contre l’humanité est bien impopulaire de nos jours. On prêche sur un Dieu guimauve qui nous aime tous à égalité et pardonne tout, absolument tout, qui ne se fâche jamais, qui n’est au grand jamais à l’origine d’une épreuve personnelle traversée, qui n’envoie pas de plaies sur le monde, qui ne trouve pas nécessaire de nous passer au crible de l’épreuve pour jauger notre foi, qui offre le salut sans aucune contrepartie.
J’irai une fois de plus à contre-courant de ce discours contemporain. Je suis la première à déplorer qu’au début du XXe siècle, ma grand-mère paternelle et tant de pieuses et saintes âmes à son image aient été traumatisées par des sermons de curés leur faisant miroiter les flammes de l’enfer comme leur lot presque prédestiné. Il y avait là un excès tout à fait préjudiciable à la foi de leurs descendants. De là à basculer aujourd’hui vers la vision d’un Dieu mièvre et presque impuissant, il y a un pas que nous n’aurions pas dû franchir. Car à mon sens, un Dieu complaisant avec le criminel, le propagandiste de l’anti-christianisme, le néo-nazi, le misanthrope, le terroriste sanguinaire, l’égocentrique ambitieux piétinant son prochain et le contre-témoin majeur ayant reçu l’onction sacerdotale ou des responsabilités religieuses quelles qu’elles soient tout en agissant à contre-courant de l’Evangile, ce Dieu-là est tout aussi inacceptable et incompréhensible que le Dieu pratiquant la justice autant que la miséricorde, et qui reste le maître de sa création.
Comment, quand on a une foi simple et confiante, accepter que dans la balance de Dieu, les plateaux soient à égale hauteur entre le violeur et sa victime, entre le harceleur et le harcelé, entre le dictateur et le prisonnier d’opinion ?
Je l’ai déjà écrit souvent, je crois en la suréminente justice de Dieu, et pas seulement à l’issue de notre vie terrestre où à l’évidence biblique elle se manifeste.
Je crois aussi en sa justice ici-bas pour avoir été ballotée dans les pires des épreuves vraiment non “méritées”, n’ayant certainement pas été plus pécheresse ou imprudente qu’une autre. Quand j’exprimais, au creux de la tourmente il y a une vingtaine d’années, que Dieu me mettait manifestement à l’épreuve comme Job perdant toutes ses sécurités et affections l’une après l’autre, qu’Il me laissait pour un temps aux pouvoirs de l’Adversaire, mes confesseurs me rétorquaient que non, mes épreuves ne pouvaient pas venir de “Dieu tout-puissant d’amour”. Et de me culpabiliser d’une mauvaise gestion personnelle de ma vie ou d’une infirmité mentale irrémédiable.
Il m’a fallu bien de la foi inébranlable, de la force et du courage pour me relever de cette tempête dévastatrice. J’ai même quitté l’arrogante barque catholique un moment, à l’expresse demande du Seigneur, pour mon plus grand bien je crois, même si c’était dans les larmes et la solitude spirituelle. Je demeurais envers et contre tout proche de Celui qui a expérimenté aussi de n’avoir ni coussin ni même pierre où reposer sa tête.
Dieu récompense au-delà de tout la fidélité à sa Personne même dans l’épreuve la plus extrême. Ne pas le mettre en accusation, crier vers Lui et garder en Lui l’ultime confiance, tout comme Job le fit, voilà la source des plus grandes bénédictions. Je savoure aujourd’hui une vie paisible, abondante, bénie. Même si, je le sais, c’est autant Lui que l’Ennemi qui m’a éprouvée, je ne lui en ai jamais tenu rigueur. Notre vue humaine est courte. Celle de Dieu a profondeur d’éternité. Quoiqu’il fasse, le bon comme le douloureux, il sait pourquoi Il le fait, et au détour ou au terme du chemin, vient Sa justice qui surpasse toute justice humaine. Qu’on se le dise, avant de mener une vie d’inconséquence coupable en le croyant si faible ici-bas qu’Il n’interviendra jamais pour justifier l’innocent ou le spolié.
Image : “Bateau à voile sur les mers orageuses” de Jean Louis Théodore Géricault XIXe
2 commentaires
Très heureuse de vous avoir lue. Même s’il n’est pas du côté spirituel, j’ai fait mon mémoire de licence canonique sur le thème de la tout puissance, en montrant comment après Nicee on avait perverti le sens.
Je tiens fort à la puissance de Dieu! Je peux vous l’envoyer en partie par mail si vous voulez…
Merci beaucoup à vous Geneviève. Oui, j’aimerais lire votre étude à ce sujet.