On célébrait la fête de la dédicace du Temple à Jérusalem. C’était l’hiver.
Jésus allait et venait dans le Temple, sous la colonnade de Salomon.
Les Juifs firent cercle autour de lui ; ils lui disaient : « Combien de temps vas-tu nous tenir en haleine ? Si c’est toi le Christ, dis-le nous ouvertement ! »
Jésus leur répondit : « Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais, moi, au nom de mon Père, voilà ce qui me rend témoignage.
Mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis.
Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »
Jean 10, 22-30
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Insistance des responsables religieux du temps de Jésus à lui faire affirmer qu’il est le Messie d’Israël, ce non pas pour se mettre à son école, mais pour mieux pouvoir le confondre en l’accusant de blasphémer, car en aucune manière ils n’ont l’intention de se convertir à sa Parole de vérité. Ils n’ont de cesse de lui tendre des pièges pour qu’il en dise plus qu’il ne désire et se mette en danger.
Ce procédé est vieux comme le monde de la part de ceux qui revendiquent un pouvoir maquillé en investiture divine, mais qui en est en fait l’opposé. On peut se référer aux origines, quand l’antique serpent insinue calomnieusement :
« Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » (Genèse 3, 1)
Il n’a là évidemment aucune intention de dire la vérité, mais seulement de piéger Eve dont l’impulsion première était d’obéir à Dieu dans son unique interdit, en engageant avec elle un dialogue manipulateur.
Jésus, qui a déjà été confronté à l’Adversaire au désert pendant son jeûne de quarante jours, ne va pas tomber dans ce piège-là. Il sait reconnaître “ses brebis” ou du moins, les personnes susceptibles de se convertir à sa Parole, et celles qui n’ont d’autre intention que de le piéger pour pouvoir se débarrasser de lui, concurrent encombrant sur le plan spirituel. Jésus pourrait bien réaliser devant eux le miracle le plus incontestable qui soit et s’affirmer Fils de Dieu dans la foulée, ils ne le croiraient toujours pas, soucieux qu’ils sont avant toute chose de conserver leur ascendant sur le peuple juif.
Que pouvons-nous en conclure sur la nature humaine jusqu’à aujourd’hui ?
Le pouvoir religieux est l’un des plus susceptibles d’être perverti, car il prétexte la caution divine pour donner libre cours à ce que l’homme peut avoir de plus mauvais en lui : goût de la domination, entre autres sur les femmes, goût du lucre au prétexte que c’est pour mieux honorer Dieu ou pour la “bonne cause”, goût de l’accumulation des pouvoirs en se revêtant d’infaillibilité et de fausse honorabilité, entre soi qui conduit à tous les abus et à l’omerta qui en découle, et cela va jusqu’à la justification de la “guerre sainte”. Nous en avons un tragique exemple sous les yeux avec la collusion entre Poutine et le patriarche orthodoxe russe Kirill. La perversion qui guette les hommes de pouvoir religieux est de tous les temps.
Jésus, face à ces gardiens de la religion qui était la sienne, trouvera la bonne formule :
Mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis.
Jésus se revendique pasteur de brebis, et rien de plus. Nul, jamais, ne l’a vu en habits d’apparat, chasuble, mitre, calotte ou barrette. Du temps de son incarnation, il n’a eu rigoureusement aucun pouvoir sur terre, ni dans la synagogue, ni dans la société. Il y a de quoi méditer sur son exemple. Il ne s’est revendiqué ni rabbin, ni scribe, ni sage, il n’a pas fait étalage d’un savoir sur les Ecritures, sinon pour les citer et les mettre en pratique. Il n’a rien monnayé de toute sa vie ; tout ce qu’il a accompli, il l’a fait gratuitement. Et lui qui était véritablement Fils de Dieu et Messie d’Israël, il a été de la plus parfaite discrétion sur ses prérogatives divines, jusqu’à accepter de mourir comme un bandit sans répondre à ceux qui l’interrogeaient sur sa vraie nature, les renvoyant à leurs propres questions sur lui.
Alors, qui que nous soyons, quelle que soit la grâce dont nous soyons comblés et la mission dont nous soyons investis, demeurons humbles, discrets et sans aucun pouvoir, à l’image de l’Unique qui pouvait se prévaloir d’être UN avec le Père.
Image : Les pharisiens questionnent Jésus – James Tissot , XIXe