« Qu’as-tu à réciter mes lois,
à garder mon alliance à la bouche,
toi qui n’aimes pas les reproches
et rejettes loin de toi mes paroles ?
« Si tu vois un voleur, tu fraternises,
tu es chez toi parmi les adultères ;
tu livres ta bouche au mal,
ta langue trame des mensonges.
« Tu t’assieds, tu diffames ton frère,
tu flétris le fils de ta mère.
Voilà ce que tu fais ;
garderai-je le silence ?
« Penses-tu que je suis comme toi ?
Je mets cela sous tes yeux, et je t’accuse.
Comprenez donc, vous qui oubliez Dieu :
sinon je frappe, et pas de recours !
« Qui offre le sacrifice d’action de grâce,
celui-là me rend gloire :
sur le chemin qu’il aura pris,
je lui ferai voir le salut de Dieu. »
Psaume 49 (50), 16bc-17, 18-19, 20-21ab, 21cd- 22, 23
Textes liturgiques©AELF
Dans la deuxième partie du psaume 49 donnée ce jour à notre méditation, nous entendons Dieu s’adresser sans ménagement à “l’impie” (verset 16 : “Mais à l’impie, Dieu déclare :” puis les versets ci-dessus.)
Depuis longtemps, je milite pour que l’on ne fasse pas du Très-Haut, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et Père dans notre Trinité chrétienne, un Dieu mou, conciliant, indulgent à l’extrême pour tous ceux qui bafouent ses commandements dans le délit et le mensonge. Alors certes, Dieu en personne n’est pas descendu du ciel pour rédiger les Psaumes et tout l’Ancien Testament, mais en quel honneur les théologiens et penseurs chrétiens contemporains surpasseraient-ils la sagesse et l’inspiration des rédacteurs de cette tradition ancienne que Jésus lui-même méditait, citait et ne rejetait pas ?
De nos jours encore, les Psaumes sont largement présents dans la prière quotidienne des moines et autres religieux et religieuses, et qui serions-nous, nous chrétiens amateurs de débat théologique, pour les minimiser voire décréter que le Dieu parfois sévère de l’Ancien Testament n’est pas le Dieu de Jésus-Christ et donc pas le nôtre, comme s’Il était périmé, dépassé, à remiser aux oubliettes de notre conscience ?
Eh bien quant à moi, ce Dieu révélé dans la Première Alliance, je l’accueille comme véridique et immuable. En envoyant son Fils sur terre, ce n’est pas Dieu qui a changé, c’est notre perception de Lui qui a évolué, en lui rendant une part de miséricorde et de tendresse qui finissait par échapper aux gardiens de la religion du temps de Jésus.
Mais cependant, je constate avec irritation que de nos jours, on prend un chemin symétrique à celui-là et qui dénature tout autant l’authenticité de notre Dieu. A force d’en faire le “Très-Bas”, comme si la Trinité tout entière devait demeurer indéfiniment sur le bois de la Croix, nous nous construisons un Dieu faible, sans puissance, sans caractère, sans opinion sur l’iniquité de certains et surtout, oh que vais-je dire, sans jugement ! Mot honni, banni du discours théologique ambiant. Le Dieu d’aujourd’hui “pardonne(rait) tout, absolument tout” (pape François), laverait les pieds des détenus sans chercher à connaître leurs délits voire leurs crimes et nous accueillerait tous à bras ouverts dans la vie éternelle sans tenir aucunement compte de ce qu’aura été notre vie, bénédiction ou malédiction pour autrui.
Quant à moi, je préfère méditer le Psaume du jour en sachant que Dieu n’est pas comme ces humains prompts à la mansuétude pour le crime parce qu’ils s’en sentent également capables, prompts à la connivence avec le criminel peut-être parce qu’eux-mêmes n’ont pas trop la conscience tranquille dans l’un ou l’autre domaine des commandements divins.
Habituellement, on me reproche de me tailler un Dieu à ma mesure, trop humain, trop rancunier, incapable de pardonner sincèrement… Mais qui sont mes contradicteurs pour prétendre atteindre à ma conscience profonde ? Qui pourra prouver ma mauvaise volonté personnelle, dans ma vie quotidienne qui ne m’a pourtant pas épargné grand chose, en matière de pardon donné et de revanche omise ?
J’ai ma conscience pour moi, à laquelle Dieu seul a accès, et si je défends un Dieu fort, puissant, cohérent avec Lui-même et ce qu’Il a donné à percevoir de Lui depuis la première alliance, c’est justement parce qu’Il a su se montrer d’une exigence extrême avec moi, ne me passant absolument rien qui soit de nature à le contrister, et bien souvent, me faisant boire jusqu’à la lie des coupes amères qui étaient totalement disproportionnées par rapport à ma droiture et ma fidélité envers Lui.
Si bien souvent, j’ai accepté l’opprobre personnelle, c’était pour ne pas sortir de l’intercession non seulement pour mes bourreaux, mais encore et surtout pour les victimes des bourreaux d’autrui.
Car aujourd’hui, quelle image de Dieu les chrétiens bien-pensants renvoient-ils ?
Dieu nous apparaît soudain comme un bon Génie dégoulinant de miséricorde, tendre et paternel à l’excès pour le criminel, le prédateur sexuel, le mari volage ou addict à la pornographie, le délinquant de quartier, le dealer vendeur de mort, le fraudeur compulsif, le menteur invétéré… Quid de la veuve ou délaissée et de l’orphelin ? Quid de la victime de la violence contemporaine ? Dieu aurait-il donc tellement changé que la miséricorde l’emporterait définitivement sur la justice, et que, tout le monde allant de toute façon au paradis, le passage de la mort ne serait plus qu’un vaste coup d’éponge sur les iniquités de vies vouées à nuire au prochain ?
Et quant à ceux qui sont excédés par mes propos du jour, je les renvoie simplement à la méditation des extraits du psaume ci-dessus. Ce n’est pourtant pas moi qui l’ai rédigé, n’est-ce pas ?
1 commentaire
Quid du Bon larron ?…Ne croyez-vous pas que si le Dieu “mou” dont vous parlez “passe l’éponge” sur les iniquités qui nuisent au prochain, c’est parce que le criminel s’est converti ? Et donc a ouvert les yeux sur sa conduite ? Il n’est aucunement question d’effacer les fautes et la responsabilité de nos actes (Dieu est amour, il est aussi justice) , il est “seulement” question de laisser la porte ouverte au pécheur pour lui permettre d’accueillir la miséricorde. La dynamique de l’action vient de l’homme, pas de Dieu. Dieu ne nous accueille pas “par force”…Encore une fois, voir le Bon larron…et son compagnon. A ce dernier, Jésus n’a rien promis…
Lorsque le pape François lave les pieds de prisonniers, il exprime exactement ce que Dieu fait : nous laisser la POSSIBILITE de revenir vers lui, malgré nos fautes ou nos crimes…La porte est ouverte, mais c’est nous qui choisirons d’entrer…ou pas .