“Moi, je vous dis :
Demandez, on vous donnera ;
cherchez, vous trouverez ;
frappez, on vous ouvrira.
En effet, quiconque demande reçoit ;
qui cherche trouve ;
à qui frappe, on ouvrira.
Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson,
lui donnera un serpent au lieu du poisson ?
ou lui donnera un scorpion
quand il demande un œuf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais,
vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint
à ceux qui le lui demandent ! »
Luc 11, 9-13
Textes liturgiques©AELF
Attardons-nous sur le deuxième enseignement de Jésus donné dans l’évangile du jour, le premier étant celui de la prière du Notre Père. A-t-il jamais rien dit de plus complet et concret sur la prière d’intercession ?
Jésus, avec sa pédagogie naturelle efficace et accessible, compare le priant à un enfant avec son père. Il est vrai, et on l’a déjà beaucoup dit, que la métaphore peut grandement troubler les personnes dont le père a été défaillant, absent ou maltraitant. Comment projeter une image positive du père sur Dieu quand le nôtre ne nous a occasionné que manque et souffrance ? Je conçois tout à fait que cet état de fait puisse être un obstacle à la foi confiante en un Dieu Père et au langage ecclésial courant. Soyons donc d’autant plus attentifs à tous ceux qui sont blessés dans leur filiation en leur révélant avec conviction le visage tendre et miséricordieux du Dieu de Jésus Christ. Sachons témoigner de sa paternité pleine de sollicitude et de justice / justesse. Montrons par notre chemin de vie et de foi que le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de tous leurs descendants se laisse volontiers quêter et trouver. Car si l’homme est mauvais parfois dans son rôle de père et d’humain – c’est le Christ lui-même qui nous le dit aujourd’hui – Dieu ne saurait être à son image. Le serpent n’a pas fini d’empoisonner nos jours terrestres, mais ce n’est pas Dieu qui nous l’enfante, lui qui nous a donné son propre Fils, Ichthus, (poisson en grec ancien) : Jésus, Fils de Dieu, Sauveur.
Par toute ma vie, je peux pour ma part témoigner que l’enseignement donné ici par Jésus est hautement véridique. Et je le dis pour être passée au creuset de l’épreuve de la nuit de la foi pendant plus de quinze années, puis par toutes sortes de souffrances spirituelles, psychiques et concrètes pendant de longues années encore après avoir enfin retrouvé le goût de Dieu. Ma foi a été tout sauf aisée et dogmatique. Mais je puis assurer que la quête sincère et obstinée de Dieu aboutit à la grâce de la foi authentique. Pour Le trouver, oui, il faut Le chercher. Partout. Dans la nature, la création, dans les livres et les arts, dans les témoignages et les visages, dans le deuil et dans la mise au monde. Partout, jusque dans les contre-témoignages. A côtoyer et analyser ce qui n’est pas Dieu, on le retrouve encore, par effet de contraste.
Dieu n’aime rien tant que d’être cherché avec persévérance, avec envie et goût de Le trouver. Car bien souvent, l’athée qui campe sur sa posture n’a pas envie de Dieu : il n’est pas en quête, mais plutôt en rébellion, en suffisance de soi et de l’humain. Eprouvez jusqu’aux tréfonds de l’âme la désillusion de l’autre – notre alter ego en humanité – et la soif de la transcendance et de la perfection de Dieu vous viendra. De même, croisez sur vos chemins des témoins lumineux du Christ ressuscité, et l’évidence du Père vous (re)viendra aussi. J’ai personnellement beaucoup d’amis non-croyants ou athées. Je les aime et les respecte tels qu’ils sont, mais je ne peux que constater qu’ils demeurent arc-boutés sur la finitude humaine : ils ne voient pas d’autre nécessité que l’amélioration du quotidien des uns et des autres – et parfois ils sont admirables dans l’humanitaire – et sont prompts à idéaliser voire idolâtrer telle ou telle figure du genre humain. Mais ils ne se posent pas la question de savoir d’où viennent la grâce, le talent, l’essor, la joie profonde. Ils n’ont pas de perspective d’éternité. Ils ne voient pas plus loin que l’horizon terrestre.
Pour moi, j’ai quêté et je quête encore, avide de savoir qui est vraiment ce Jésus que toujours j’ai chéri. L’ayant enfin replacé dans sa filiation divine, je lui ai demandé la foi, et elle m’a été donnée en surabondance. Frappant à la porte de son cœur, j’ai intercédé encore et encore pour mes frères et sœurs en humanité, obtenant maintes grâces et exaucements, en particulier quand je demandais pour autrui et non pour moi-même. Et demandant au Père foi et Vérité, j’ai reçu infiniment plus que ce que j’ambitionnais : le Fils, l’Esprit et d’indicibles promesses.
Oui, demandons et demandons encore au Père ce qu’il a de meilleur. Il ne l’a créé ou engendré que pour la joie infinie qu’il éprouve à en gratifier ses pauvres créatures égarées dans ce monde en déliquescence. Nous donnant son Fils, Ichthus, il nous ouvre à la capacité de l’Esprit, et nous prépare intensément à la survenue de son Royaume… qui n’est pas de ce monde.