La main du Seigneur se posa sur moi, par son esprit il m’emporta et me déposa au milieu d’une vallée ; elle était pleine d’ossements.
Il me fit circuler parmi eux ; le sol de la vallée en était couvert, et ils étaient tout à fait desséchés.
Alors le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je lui répondis : « Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais ! »
Il me dit alors : « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur :
Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez.
Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur. »
Je prophétisai, comme j’en avais reçu l’ordre. Pendant que je prophétisais, il y eut un bruit, puis une violente secousse, et les ossements se rapprochèrent les uns des autres.
Je vis qu’ils se couvraient de nerfs, la chair repoussait, la peau les recouvrait, mais il n’y avait pas d’esprit en eux.
Le Seigneur me dit alors : « Adresse une prophétie à l’esprit, prophétise, fils d’homme. Dis à l’esprit : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Viens des quatre vents, esprit ! Souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! »
Je prophétisai, comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie, et ils se dressèrent sur leurs pieds : c’était une armée immense !
Puis le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Car ils disent : “Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus !”
C’est pourquoi, prophétise. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël.
Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple !
Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur
Ézéchiel 37, 1-14
Textes liturgiques©AELF
Comme je le dis bien souvent quand je rédige une méditation biblique, je ne suis ni bibliste, ni théologienne, ni historienne des religions. Je ne suis qu’éprise des Ecritures, dont je m’imprègne pour les méditer, dans la prière et en invoquant l’Esprit Saint sur ma perception des situations relatées et de la Parole de Dieu. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit de méditer les Prophètes de l’Ancien Testament, que je considère comme les messagers authentiques et fiables du Dieu d’Israël, le Père dans la Trinité que nous chrétiens invoquons. Ce Père de Jésus notre Seigneur, ce Père dans le cœur duquel j’aime depuis longtemps me lover dans l’oraison, pour mieux le comprendre, le connaître, le reconnaître dans les Ecritures. Et c’est un fait : il n’y a aucune distinction à opérer entre la première Personne de la Trinité sainte, ce Père que nous pouvons nommer Abba comme Jésus, et le Dieu éternel qui se révèle à Israël dans le Premier Testament et notamment par la bouche de ses Prophètes. En mon âme, point de tension ni de tentation marcioniste : Celui que j’appelle moi-même Père est bien l’Eternel révélé de la Genèse à l’Apocalypse. Egal à lui-même, immuable, magnanime et soucieux de chacune de ses créatures.
Le texte que nous méditons aujourd’hui en première lecture me semble à ce titre fondamental. Cette évocation d’Ezéchiel sur ces ossements qui vont reprendre vie est si puissante !
Les mêmes images me hantent à chaque fois que je le lis : je ne peux m’empêcher de revoir des photos traumatiques de ces corps décharnés dans les camps de concentration et d’extermination de la seconde guerre mondiale, ces documents d’archives de corps sans vie jetés dans des fosses comme de raides objets à oublier. Il faut le rappeler et le rappeler encore : le comble de l’horreur dont l’humain est capable s’est accompli là et s’accomplit encore à chaque fois que l’on se montre capable de considérer autrui comme un ennemi à abattre, une chose dont il faut se débarrasser en niant sa part d’humanité et son droit inaliénable à la vie et à la dignité.
Comment ne pas penser à la Shoah en lisant Ezéchiel 37, 1-14 ? J’ignore si le Juifs eux-mêmes le font, mais pour ma part, je ne peux dissocier ces faits historiques et images terribles de la prophétie d’Ezéchiel.
Or cette prophétie est traversée d’un souffle d’espérance très profond. Le Dieu d’Israël a vu le martyre de son peuple élu et il intervient. Trop tard, diront beaucoup, que la Shoah a amenés à douter de la toute-puissance de Dieu. Et pourtant, pour ma part, je la vois clairement dans la sollicitude que Dieu manifeste à son peuple dans cette prophétie. De la mort extrême, scandaleuse, insupportable, Dieu peut encore faire ressurgir la vie, la résurrection. Résurrection au mystère de son Royaume “où il y a de nombreuses demeures” (Jean 14, 2) – et je m’érige absolument contre l’idée selon laquelle seuls les croyants en Jésus Christ ou baptisés auraient part à la résurrection des morts (auquel cas, comme je le souligne souvent, Hitler serait en paradis et Anne Frank aux tréfonds de la terre…) – bien au contraire, je suis profondément convaincue que Dieu ne se renie jamais lui-même et ne négligera donc jamais son peuple premièrement élu par Lui.
Et au risque de choquer et d’éveiller la polémique, je dirai même que, non content de ressusciter pour la vie éternelle tous les martyrs de la Shoah, Dieu a encore réalisé cette promesse donnée dans le Livre d’Ezéchiel :
“Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël.”
Ce qui fut fait en 1948 avec la création de l’Etat d’Israël.
Je vais peut-être m’attirer des inimitiés en écrivant cela, mais je crois profondément que toute promesse biblique finit par s’accomplir.
Pour autant, une terre ici-bas est loin d’être l’aboutissement de tout. Elle n’est qu’un refuge provisoire, un lieu de séjour transitoire. Loin de moi l’idée de dire qu’il y a lieu de se battre voire de tuer pour une terre. Un peuple longtemps opprimé a droit à un lieu de vie selon ses valeurs. Mais la véritable promesse de Dieu ne vise aucun lieu terrestre, et pour cause : Jésus nous l’a dit maintes fois, son Royaume n’est pas de ce monde. La promesse du Royaume de paix et de fraternité évoqué par toutes les Ecritures depuis les Prophètes de l’Ancien Testament est appelée à se réaliser, mais c’est à cause de nos vues courtes que nous l’imaginons sur cette terre présente, ce qui génère tant de conflits. Non, le Royaume promis ne sera jamais de ce monde, il est ailleurs, en “une terre nouvelle sous des cieux nouveaux”, prêt à advenir, mais non encore advenu en aucun lieu de ce monde.
Pour moi, j’ai une confiance inébranlable dans le Dieu d’Israël, Père de Jésus et Notre Père, et je sais que sa Parole est vérité.
“Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple !
Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.’
Image : Gustave Doré : La vision des ossements déssechés (Ez. 37 : 1-4)