“Pourquoi Dieu donne-t-il la lumière à un malheureux,
la vie à ceux qui sont pleins d’amertume, qui aspirent à la mort sans qu’elle vienne,
qui la recherchent plus avidement qu’un trésor ?
Ils se réjouiraient, ils seraient dans l’allégresse,
ils exulteraient s’ils trouvaient le tombeau.
Pourquoi Dieu donne-t-il la vie à un homme dont la route est sans issue,
et qu’il enferme de toutes parts ?”
Job 3, 20-23
Textes liturgiques©AELF
Méditant ce matin sur ces versets, j’ai une pensée émue et pleine de compassion pour toutes celles et ceux qui sont plongés dans les affres de la dépression ou du désespoir suite à un événement traumatique.
J’ai tellement bu à la coupe de cet état psychique, il y a une bonne vingtaine d’années maintenant, que je ne puis que compatir et comprendre. Quand on ne voit plus aucune issue positive à sa propre vie, on désire la mort, et c’est parfois seulement un manque de courage, ou un ultime sursaut de conscience si on a des responsabilités familiales, qui nous évitent le passage à l’acte funeste..
Quand ma vie n’était plus que souffrance et désolation, oui, j’ai commencé à envisager des scénarios de suicide. Jusqu’à me demander si ce n’était pas là, finalement, la volonté de Dieu, que de disparaître du milieu des hommes qui me causaient tant de douleur et d’effacement de mon estime de moi-même. Je me disais que si aucune croix ni aucun bûcher matériels n’était dressés pour moi, cela signifiait peut-être qu’il fallait que j’en finisse par mes propres moyens…
Le visage inquiet de mes enfants m’en a dissuadée, de même qu’un médecin qui a eu le tact, en entendant mes pensées suicidaires, de m’éloigner de ma famille pour trois semaines dans une clinique où j’ai commencé à me reconstruire.
J’ai beau me sentir aujourd’hui pleinement heureuse et équilibrée chaque matin que Dieu me donne à vivre, cet épisode terrible de mon existence a laissé en moi une trace indélébile. Et je me souviens qu’au cœur de cette désespérance totale, le Livre de Job et les Psaumes de déréliction m’étaient un secours. Quoiqu’il advienne en moi et autour de moi, ne jamais douter de Dieu, de sa présence, de l’Esprit de consolation, du Christ qui finirait par me dire :
“Femme, ta foi t’a sauvée.”
Oui, la foi ne m’a pas désertée dans ces moments terribles. Désirant la mort, je désirais tomber dans les bras consolants du Seigneur. Ecoutant mon médecin, qui affirmait à sa jeune patiente ravagée d’épreuves et de désespoir qu’elle avait un avenir, ce qui me semblait alors inimaginable, j’ai accepté soins et hospitalisation.
Non, mon heure n’était pas encore venue, Dieu ne me demandait aucunement d’attenter à ma jeune vie, et celle que je suis aujourd’hui rend grâce aux mains tendues et à la médecine sans lesquelles trois orphelins auraient à leur tour traîné leur mal-être une vie durant.
Loué soit le Seigneur, qui était là dans chaque parole consolante entendue, dans chaque soignant plein de patience et d’humanité à la clinique psychiatrique, dans chaque patient/e compagnon ou compagne de malheur et de convalescence rencontré là-bas, et dans chaque molécule avalée aussi.
Courage, amis qui traversez un désert de l’espérance et de la joie, le Seigneur demeure, lui qui est Vie, il peut tout comprendre, tout consoler, tout restaurer !
J’en témoignerai sans jamais me lasser.