« Amen, amen, je te le dis :
quand tu étais jeune,
tu mettais ta ceinture toi-même
pour aller là où tu voulais ;
quand tu seras vieux,
tu étendras les mains,
et c’est un autre qui te mettra ta ceinture,
pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
Jean 21, 18
Textes liturgiques©AELF
Pierre était un homme, et, jeune, il pouvait aller là où il voulait. D’où sa liberté de suivre Jésus quand il l’a rencontré.
Mais le Christ lui annonce que dans sa vieillesse, il n’en sera plus ainsi. Le voilà lié par la promesse de “paître les brebis” du Seigneur, et dans le contexte de l’Eglise naissante, il sera persécuté et mis à mort comme plusieurs apôtres. Il connaîtra une mort à l’image de celle de son Seigneur.
Il me vient la pensée qu’en tant que femmes, nos chemins dans la foi et l’Eglise peuvent être symétriques par rapport à celui de Pierre.
En effet, jeunes, nous ne pouvons pas du tout aller “là où nous voulons”. L’éducation nous contraint à suivre des voies parfois étroites, on nous ferme plus de portes que l’on ne nous en ouvre, du moins pour ce qui a été de ma génération et de celles qui l’ont précédée. Jusqu’à l’époque Jean-Paul II ont été édictées des tas de règles pour contraindre nos vies et nos corps. Nous n’étions pas censées avoir de projet personnel en matière de vie de foi, tout était discuté sans nous, à notre sujet et pas avec notre assentiment, qui plus est par des assemblées d’hommes célibataires ayant comme principale référence féminine leurs mères. Et ainsi, nous n’étions plus sujets de notre propre vie, mais contraintes par toute une série d’obligations morales et d’interdits imposés.
Ajoutons à cela la violence d’un monde qui limite nos allées et venues seules bien plus que celles des hommes, et on obtient le conditionnement à la prudence et à la bienséance de générations entières de femmes.
Et ce n’est pas encore tout : il nous faut aussi prendre pour argent comptant des doctrines religieuses élaborées et édictées exclusivement par des hommes au long des siècles.
Je pense avec tristesse à tant de générations de femmes qui n’ont vécu que dans ces multiples carcans pour mourir sans avoir jamais connu le goût de la liberté et de l’initative personnelle. Et cela même du point de vue de leur foi, éternellement supervisées qu’elles étaient par un père, un mari, un curé. Tristes vies…
Eh bien, de nos jours, il est permis de prendre une bouffée d’air frais. Les fillettes et jeunes filles endurant mille privations de liberté et de libre arbitre que nous avons été sont en droit d’interroger les traditions religieuses oppressives qu’elles ont subies ou observent encore autour d’elles, ici ou ailleurs. Elles sont en droit d’étudier et de méditer les Ecritures à leur manière et sans les injonctions d’interprétations masculines qu’on ne leur a que trop imposées. Elles sont en droit de remettre en question des doctrines n’exaltant pour toute femme qu’une mère demeurant vierge et réputée de nature différente de la leur. Elles sont en droit de se rebeller quand leurs censeurs moraux sont démasqués comme abuseurs ou hypocrites dissimulant une vie sexuelle active.
Pour moi, maintenant que je ne suis plus jeune, j’ai décidé de dénouer la ceinture oppressante du catéchisme catholique qui m’enserre depuis ma naissance, pour aller là où j’ai envie d’aller. Sous le regard de mon Seigneur, qui sait que mon amour pour Lui dépasse toute mesure et toute appartenance ecclésiale.