Jésus disait à ses disciples :
« Je vous le déclare : Celui qui se sera prononcé pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme se prononcera aussi pour lui devant les anges de Dieu.
Mais celui qui m’aura renié en face des hommes sera renié en face des anges de Dieu.
Et celui qui dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné.
Quand on vous traduira devant les synagogues, les puissances et les autorités, ne vous tourmentez pas pour savoir comment vous défendre ou comment parler.
Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure même ce qu’il faudra dire. »
Luc 12, 8-12
Voilà un passage d’Evangile qui m’interpelle au plus haut point. Et dont l’interprétation contemporaine me laisse toujours perplexe.
En effet, je lis depuis des années en réponse aux questions récurrentes sur ce blasphème contre l’Esprit Saint qui ne sera pas pardonné, que la seule faute qui ne puisse pas être pardonnée par le Christ, c’est de ne pas croire en son désir de tout pardonner.
De là découle une théologie de la permissivité et de la mansuétude jusqu’au scandale.
Ainsi, moi qui ne comprends pas cette parole du Christ de la même façon, ai-je souvent été taxée d’être mauvaise chrétienne, n’ayant pas l’amour des ennemis, ne croyant pas au pardon inconditionnel des péchés, me permettant de juger, et j’en passe…
Et pourtant il me semble que Jésus est clair dans ce passage. Il pardonne une parole contre lui, et il y a lieu de dire “Ouf”, dans ce monde où il est insulté en permanence.
mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné.
Or l’Esprit Saint n’est-il pas l’Esprit de vérité ? Le Christ chemin, vérité et vie n’est-il pas celui qui donne l’Esprit de vérité à ceux qui le lui demandent ? Et Jésus ne nous a-t-il pas enseigné que la Vérité était dans ses paroles, consignées fidèlement dans les Evangiles ?
Alors pourquoi tronquer en permanence les Evangiles ? Hier encore, nous lisions : Je vais vous montrer qui vous devez craindre : “craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis, c’est celui-là que vous devez craindre.” (Luc 12, 1-5)
Les interprétations contemporaines de l’Evangile conduisent souvent à affirmer que toute âme est sauvée par le Christ, presque sans égard pour les victimes des grands pécheurs, à condition quand même de se repentir – mais on ne parle pas de s’amender. Ajoutons à cela la mode des récits d’expériences de mort imminente. Un tunnel, une éblouissante lumière… Nous avons tous entendu ces récits. A aucun moment on n’évoque une prise de conscience de ce qu’a été notre vie dans nos manquements à Dieu et à notre prochain. Et ainsi, on endort les consciences. Une fois de plus, on nous chante “On ira tous au paradis.”
J’ose affirmer que je n’adhère pas à ces visions idylliques. Le blasphème contre l’Esprit Saint, ce peut être le refus d’entendre la vérité que le Christ conduit certaines âmes à comprendre plus profondément. Le blasphème contre l’Esprit Saint, ce peut être de laisser les consciences endormies dans l’espérance d’un coup d’éponge instantané au moment de la mort, même sur les crimes les plus odieux. Le blasphème contre l’Esprit Saint, ce peut être de faire dire au Christ le contraire de ce qu’il n’a pas cessé de nous enseigner, jusqu’à en être crucifié pour nos surdités.
Image : Esprit de Pentecôte Eglise Saint Aloysius, Londres
12 commentaires
Content de pouvoir rendre service 😉
Poursuivons le débat ici :
https://www.histoiredunefoi.fr/meditations-bibliques/8389-blaspheme-contre-lesprit-saint-persecution-de-lesprit-de-verite
Bonjour
Sous la colère j ai dit une méchanceté sur le plan de dieu
Je suis effrayée car je crois sur j ai blasphème le saint esprit et donc partir en enfer
Merci de me répondre
Cat
Cat, je ne suis pas très qualifiée pour vous répondre, mais ne vous tourmentez pas à ce point ! Votre regret prouve déjà que vos intentions ne sont pas mauvaises, Dieu ne fait pas le compte jaloux de nos “paroles en l’air “! Il connaît votre cœur mieux que vous-même et sait différencier une parole maladroite dite sous le coup de la colère d’une volonté délibérée de faire obstacle à la grâce pour soi et pour autrui ! On ne contrecarre pas définitivement son salut pour si peu ! Soyez donc en paix, et quêtez avec confiance l’amour d’un Dieu Père dont la première des volontés est de serrer son enfant contre son cœur.
Oui, merci pour ce bel échange. J’aime beaucoup ce que vous dites du sens de la vie monacale, padre, de la grâce de la communion des saints…
Merci de cet éclairage, père..
Oui, la question se pose bien entendu de la possibilité de réparer les conséquences de nos péchés, car ce n’est que rarement possible.
C’est tout le sens de la pénitence chrétienne. Toute la vie monacale en est une expression : là, on offre sa vie afin de réparer, par une façon de vivre enfin conforme aux commandements du Christ, ses propres péchés et ceux du monde. C’est ce qu’on appelle la communion des saints : par un bien que l’on fait, on s’efforce de réparer le mal qu’on a fait soi-même ou que d’autres ont fait. Il y a une solidarité dans la sainteté comme il y en a une dans le péché, et le fait de passer de l’une à l’autre a des conséquences qui dépassent ce qu’on en perçoit à vision humaine.
Bien entendu, s’il m’est possible de me faire pardonner par ceux à qui j’ai fait du mal, ou de réparer les conséquences de ce mal, c’est par là qu’il faut commencer, en toute logique, et à eux qu’il faut offrir réparation.
Mais si je ne peux pas réparer directement, envers ceux contre qui j’ai péché (donc, en dernière analyse, envers qui j’ai manqué d’amour, puisque c’est ça, le péché), je peux en revanche m’efforcer de m’amender, par ma conversion personnelle, et par le bien que je m’efforce de faire en faveur de tous. Ça ne profitera pas directement aux gens à qui j’ai pu faire du mal, mais ça leur profitera au moins indirectement, par la communion des saints. Je ne dis pas que ça soit pleinement satisfaisant, parce qu’il est bien évident que ce n’est pas parfait, mais nous ne sommes pas Dieu, et il y a des limites aux réparations que nous pouvons faire, parce que le mal qui se fait par le péché nous dépasse, et donc ce que l’on fait pour y remédier est, bien souvent, au-delà de nos capacités…
Et si je ne peut pas réparer le mal que j’ai fait? Je pense par exemple à un médecin qui a commis une erreur médicale…à un parent qui n’a pas su protéger son enfant d’un partenaire violent…tout ce mal que chacun dans une mesure plus ou moins grande peut faire à cause de son péché ou de ses limites (nous faisons parfois le mal que nous ne voudrions pas faire….et tout ce bien que nous aurions dû faire et dont nous avons à peine conscience?…).Lorsque je me jette dans les bras du Père lors du sacrement de réconciliation, Il me pardonne tous mes péchés..mais ceux que j’ai blessés, et auprès desquels je ne peux essayer de réparer, je ne sais pas si ils me pardonneront ( ou si ils m’ont déjà pardonnée).. Lorsque je pense à eux, et pas seulement à mon petit “ego” avec mon souci d’être pardonnée, je demande au Christ de réparer pour moi directement au près de mes débiteurs, par sa Vie donnée sur la croix…( je ne sais pas si c’est juste théologiquement…mais il rectifie les prières lancées vers Lui avec un coeur broyé même si elles sont pas tout à fait ajustées..)..Sans aller rechercher au fond de la mer nos péchés pardonnés par le Père, peut être est il “sain” et “saint” de garder ce regret d’avoir pu nuire à nos frères..enfin, je crois!
À ceux qui n’ont “pas besoin d’être sauvés”, on peut toujours répondre : ah, tu ne vas donc pas mourir, toi? 😉
Merci El padre pour ce développement fort intéressant. La compréhension de cette parole de Jésus est, à mon avis, en devenir, et on ne peut y apporter une interprétation figée, ce que d’ailleurs vous n’avez pas fait.
Pour moi, ce que j’en ressens, c’est que le blasphème contre l’Esprit Saint a à faire avec le refus de la vérité. A mon avis, les pharisiens qui déclaraient que Jésus était de Béelzéboul le commettaient.
Je pensais aussi en vous lisant à tant de gens qui disent : “Je n’ai pas besoin d’être sauvé. De quoi devrais-je être sauvé ?”
Prendre conscience de son état de pécheur, c’est déjà un grand pas. Avoir l’humilité de s’en abandonner devant Dieu, c’est le deuxième. Et bien sûr, comme vous, je crois au pardon toujours possible, mais cela me réconforte que vous parliez aussi de s’amender. On ne le dit plus tant de nos jours.
Tout d’abord, les fondamentaux. Dieu est Amour. L’image de ce qu’il est disposé à faire pour nous pardonner est parfaitement dépeinte dans la parabole du fils prodigue : Lui, qui “ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse, et qu’il vive”, est toujours là pour pardonner le pécheur repenti, parce que c’est son fils, parce que “Dieu est Amour” n’est pas qu’une image mais la définition de l’être même de Dieu.
Il n’y a donc rien, ni personne, qui soit banni de l’amour de Dieu (sinon, ça, ou cette personne, n’existerait tout simplement pas), ni de son pardon, qui est une manifestation (pas la seule) de cet amour.
En revanche, et il faut le considérer pour comprendre où est le problème, si Lui nous aime, la réciproque n’est pas forcément vraie. Qu’Il soit prêt à me pardonner, soit, mais si je ne demande pas ce pardon, je ne l’obtiens pas. Pour prendre une image, les portes de mon église sont ouvertes à qui veut chaque jour, mais ça ne sert à rien pour les personnes qui ne les franchissent pas.
De plus, quand Dieu me pardonne, parce qu’il est Amour, ça ne m’absout pas du devoir de réparation des conséquences de mes péchés, parce qu’il est aussi Juste. Soit je les répare sur terre, dans la mesure du possible, soit je devrai les réparer après ma mort, au purgatoire, mais quoi qu’il en soit, mes péchés n’étant pas sans conséquences sur la vie des autres, ils ne sont pas sans conséquences non plus sur la mienne, et il ne suffit pas de reconnaître qu’on a “mal fait”, encore faut-il réparer sérieusement ce mal. Par exemple, si je demande pardon à Dieu d’avoir volé de l’argent, encore me faut-il le rendre, le cas échéant avec les intérêts, pour que justice soit rendue. Et l’amour véritable ne peut pas faire l’impasse de la justice.
Bien, pour ce qui concerne le blasphème contre l’Esprit Saint, de ce que j’en ai compris, ça concerne les gens qui refusent l’amour de Dieu, mais pas seulement : qui lui dénient la possibilité même de les pardonner, comme si leurs péchés étaient supérieurs à son amour, comme s’ils étaient au-delà des “limites” de Dieu, au-delà de ce qu’Il est, en définitive ils pensent que Dieu n’est pas à la hauteur. C’est en ça que c’est un blasphème.
Le problème, qui est le drame de notre existence, c’est que, parce qu’Il nous aime, Dieu respecte notre autonomie, et donc nos choix, même quand ils sont contraires à notre bien, s’ils sont le résultat de notre intelligence et de notre volonté, si ce sont ce que saint Thomas d’Aquin appelle des “actes humains”. Ainsi, bien qu’Il soit Dieu, si nous refusons son pardon, parce qu’Il nous respecte, il ne nous le donne pas, parce que l’amour ne peut jamais, en aucun cas, être forcé ni imposé, et ce qui vaut pour l’amour vaut pour l’une de ses manifestations, qui est le pardon.
Ainsi, en vérité, ce péché “ne sera pas pardonné”, non par une limite objective de l’amour de Dieu, mais par celle que l’on dresse entre cet amour et soi-même, que Dieu, parce qu’il est Dieu, respecte…
Quant au problème du “temps” dans l’éternité, ce n’est pas vraiment le sujet ici, mais la compréhension qu’on en a (ou plutôt qu’on n’en a pas) est sans solution, notre seule et unique expérience de l’existence et de l’être étant soumise irrémédiablement au temps et à l’espace. Nous n’avons pas, et ne pouvons pas avoir, les instruments nécessaires à l’appréhender d’une façon qui ne soit pas anthropocentrique et forcément approximative et entachée d’erreur.
Enfin un dernier petit point, en passant. Le paradis, le purgatoire ou l’enfer ne sont soumis ni à un “lieu”, ni à un “temps” (pour la raison précitée). Il ne s’agit pas d’un “endroit”, mais d’un “état”, d’une façon d’être. Mais là encore, ça demanderait des explications et des images qui dépassent largement le cadre de la compréhension de cette parole du Christ.
Tout ceci n’étant qu’une réflexion personnelle, bien sûr, je ne prétends pas avoir fait le tour du problème de façon définitive ni posséder la vérité toute entière sur cette parole de Jésus… J’essaye juste de faire avancer le schmilblick…
Je suis tout à fait d’ accord avec toi, Véronique;, quand tu t’ élèves contre la mentalité actuelle : Nous irons tous au Paradis, les prétendues expériences de mort imminente qui nous conduisent, toutes vers une immense lumière, comme si nous allions directement au ciel sans passer par le Purgatoire, l’ oubli de l’ amendement comme s’il suffisait de se repentir sans réparer le mal que nous avons fait. Dieu peut pardonner, mais qui pensent aux familles de nos victimes qui auront à souffrir de nos actes jusqu’ à la fin de leurs jours ? femme et enfants de la personne que nous avons tuée !
Mais Jésus a dit au bon larron : ” Ce soir même, tu seras avec moi dans la Paradis” !.
Et quand Jean Paul II dit : le péché contre l’ esprit, c’ est le refus du pardon de Dieu, le refus de sa miséricorde.
Pour moi, l’ enfer, c’ est de se savoir aimé de Dieu pour l’ Eternité, alors qu ‘on refuse cet Amour, qu ‘on refuse Dieu, qu ‘on refuse son pardon. ; se savoir aimé malgré soi ! Un peu comme le mari qui voudrait que sa femme le déteste, qu ‘elle s’ éloigne de lui, qu’ au moins,elle l’oublie, alors qu’ elle continue à l’ aimer, à lui pardonner ses fautes, à vouloir qu ‘ils se rachète, qu ‘il s’amende, qu ‘il redevienne celui qu’ elle a tant aimé…
Y a-t-il contradiction dans tout cela ?
A première vue, oui, si nous nous plaçons du point de vue humain, sur cette terre où nous vivons dans le temps qui s’écoule, avec son présent, son passé, son futur…
Mais l’ Eternité ? Ce présent éternel où mille ans sont comme un instant !
Comment réunir dans ce présent éternel le péché de notre passé, le long temps de la réflexion qui a suivi, où, petit à petit, notre coeur de pierre s’ est transformé, où nous avons demandé et reçu le pardon, où nous devrions nous amender pendant des années encore, au moins aussi longtemps que ceux qui ont, encore, à souffrir de notre péché continueront à en souffrir.
L’ Eglise parle du Purgatoire ! Mais que veux dire le Purgatoire, qui est un temps de purification,.alors qu’ après la mort nous ne sommes plus dans le temps!
Saint Augustin s consacré tout le chapitre XI de ses ” Confessions” au rapport du temps et de l’ Eternité, sans trouver de réponse à sa question..
Faisons confiance à Jésus, qui, agonisant sur la Croix, a dit au bon Larron : Ce soi même, c’ est-à-dire dès que nous serons morts l’un et l’ autre, dès que nous entrerons dans l’ Eternité de mon Père,tu seras avec moi dans le Paradis !
Pour Lui, Jésus, le problème qui est le tien, qui est le nôtre, ne se posait même pas. …
Lui savait.
Amitié, alors que nous avons désormais la possibilité de nous retrouver encore davantage sur “notre” forum.
André……