En ces jours-là, Salomon rassembla auprès de lui à Jérusalem les anciens d’Israël et tous les chefs des tribus, les chefs de famille des fils d’Israël, pour aller chercher l’arche de l’Alliance du Seigneur dans la Cité de David, c’est-à-dire à Sion.
Tous les hommes d’Israël se rassemblèrent auprès du roi Salomon au septième mois, durant la fête des Tentes.
Quand tous les anciens d’Israël furent arrivés, les prêtres se chargèrent de l’Arche.
Ils emportèrent l’arche du Seigneur et la tente de la Rencontre avec tous les objets sacrés qui s’y trouvaient ; ce sont les prêtres et les lévites qui les transportèrent.
Le roi Salomon et, avec lui, toute la communauté d’Israël qu’il avait convoquée auprès de lui devant l’Arche offrirent en sacrifice des moutons et des bœufs : il y en avait un si grand nombre qu’on ne pouvait ni le compter ni l’évaluer.
Puis les prêtres transportèrent l’Arche à sa place, dans la Chambre sainte que l’on appelle le Saint des saints, sous les ailes des kéroubim.
Ceux-ci, en effet, étendaient leurs ailes au-dessus de l’emplacement de l’Arche : ils protégeaient l’Arche et ses barres.
Dans l’Arche, il n’y avait rien, sinon les deux tables de pierre que Moïse y avait placées au mont Horeb, quand le Seigneur avait conclu alliance avec les fils d’Israël, à leur sortie du pays d’Égypte.
Quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit la maison du Seigneur,
et, à cause d’elle, les prêtres durent interrompre le service divin : la gloire du Seigneur remplissait la maison du Seigneur !
Alors Salomon s’écria : « Le Seigneur déclare demeurer dans la nuée obscure.
Et maintenant, je t’ai construit, Seigneur, une maison somptueuse, un lieu où tu habiteras éternellement. »
1 Rois 8, 1-7. 9-13
Textes liturgiques©AELF
Longtemps, je me suis réjouie d’une certaine continuité entre les rites du judaïsme jusqu’au temps de Jésus et les rites de l’Eglise catholique romaine dans laquelle je suis née et ai été baptisée. Longtemps, comme Jésus, je suis demeurée fidèle aux traditions séculaires de ma propre famille, observant les fêtes liturgiques proposées par cette Eglise, pratiquant ma foi fidèlement en paroisse catholique, dussé-je être la dernière de ma famille à le faire régulièrement. Et tout comme mes parents m’avaient fait proposition des sacrements de l’Eglise catholique – à l’exception du sacrement de mariage qui a cristallisé mes premières rébellions contre une tradition devenant fort pesante dans ma famille et se vidant progressivement de son sens – j’avais proposé les sacrements à mes propres enfants dans leur enfance : baptême, eucharistie, et pour la confirmation, j’ai respecté leur non-demande à l’adolescence.
Cette fidélité à l’Eglise catholique coulait en moi comme de source. Ayant aussi un grand intérêt pour le judaïsme, je me plaisais à retrouver les fidélités de Jésus à sa propre tradition religieuse familiale dans les Ecritures et dans ses paroles. Ses paraboles et enseignements sont profondément imprégnés du judaïsme dans lequel il a été élevé. Et j’ai eu longtemps pour les églises – fréquentées aux messes ou visitées en vacances – le même attachement quasi viscéral que celui de Jésus pour le Temple de Jérusalem ou les synagogues. Là était ma maison, là je me sentais dans mes propres demeures, tout comme Jésus s’y ressourçait, y avait fait montre de sa sagesse dès l’âge de douze ans lors de sa petite fugue à Jérusalem, puis avait démontré son attachement viscéral à la “maison de son Père” jusqu’à son accès de sainte colère contre les marchands du Temple qui le défiguraient. (Jean 2, 13-25)
Dans le discours ci-dessus donné à la liturgie d’aujourd’hui et la prière de Dédicace du Temple qui lui fait suite en 1 Rois 8, 14-53, Salomon donne toute son importance à cette maison dont Dieu a dit “C’est ici que sera mon nom” (1 Rois 8, 29), et il supplie son Seigneur d’être toujours favorable à son peuple élu en ce lieu, en écoutant la prière des fidèles y montant et en exauçant leurs demandes sincères de pardon et leurs requêtes. Il conclut là avec Dieu une sorte de pacte pour un lieu de rencontre privilégié entre l’âme orante voire repentante et son Seigneur. En introduisant l’Arche de l’Alliance dans le Saint des Saints, Salomon sanctuarise ce lieu pour toujours, pense-t-il à ce moment-là.
” Et maintenant, je t’ai construit, Seigneur, une maison somptueuse, un lieu où tu habiteras éternellement.“
Peut-être que le mot “éternellement” était ici de trop, car nous le savons, guerres, pillages, déportation à Babylone puis encore destruction du second Temple en l’an 70 ont mis à mal le projet juif de faire du Temple de Jérusalem la maison de Dieu pour toujours. On ne devrait jamais perdre de vue que la notion d’éternité ne s’applique à rien qui soit terrestre.
Pour poursuivre mon parallèle entre le judaïsme jusqu’à Jésus et l’Eglise catholique romaine, il me semble qu’elle commet la même erreur que Salomon et son peuple en leur temps. Ne s’appuie-t-elle pas parfois à outrance sur ces versets pour proclamer que rien ni personne ne pourra lui nuire ou la mener vers sa perte ?
“Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
(Matthieu 16, 18-19, AELF)
Que n’a-t-on déjà opposé à des catholiques un brin rebelles contre l’institution ces versets lapidaires que l’on considère souvent comme un blanc-seing délivré à l’Eglise catholique en son Pape et son Magistère ! Ainsi, on cherche à étouffer dans l’œuf toute velléité de contestation de dogmes et doctrines qui outrepassent pourtant largement la parole de Jésus consignée dans les quatre évangiles canoniques. Voilà donc les catholiques sommés de prendre pour argent comptant toutes les doctrines plus ou mojns inspirées empilées depuis les “Pères de l’Eglise” et qui finissent par devenir plus coercitives en catholicisme que l’Evangile lui-même. On absolutise aussi des propos de Paul pourtant homme et non pas Christ ou Dieu, ce qui a permis à des générations de clercs d’humilier et de soumettre les femmes à leurs maris et à eux-mêmes !
C’est faire peu de cas des attitudes et mots de Jésus toujours éminemment respectueux vis-à-vis des femmes ; très souvent, dans les Evangiles, il les loue, les relève, les libère de leurs jougs.
Aussi, méditant sur ce qu’il est advenu du Temple de Jérusalem que Salomon avait cru éternel, méditant sur l’exemple de Jésus qui a compris peu à peu que sa personne circonscrite dans un corps humain était le véritable Temple éternel, observant les impasses dans lesquelles s’engouffre de plus en plus l’Eglise catholique romaine – dogmatisme voire fondamentalisme pour certains, cléricalisme outrancier dénoncé par le pape François lui-même, contre-témoignage flagrant de clercs bien trop nombreux et d’une institution longtemps complice de leurs crimes au niveau des mœurs, muselage de tout fidèle remettant en cause le magistère sur tel ou tel point de doctrine, repli dans les chapelles et autour du tabernacle ou d’un ostensoir, retour de liturgies passées et étourdissement dans des nuées d’encens – je me dis que la vérité de notre Dieu Trinité ne peut être enfermée dans cette étroitesse de vues et de rites. La vérité de Dieu réside toujours au-delà des religions quelles qu’elles soient. La vérité de Dieu ne s’enferme ni dans un catéchisme, ni dans une cathédrale si belle soit-elle, ni même dans un tabernacle. Elle ne peut se rencontrer qu’au cœur le plus profond d’une âme orante qui médite jour et nuit les Ecritures et l’exemple d’un Christ incarné en son temps, dans un judaïsme qui de toujours a accepté et même encouragé en son sein le débat d’idées.
Paolo Véronèse (1528-1588), La dispute avec les docteurs du Temple Musée du Prado, Madrid
2 commentaires
Bien vu : il y a le lieu sacré, le temple, et l’institution qui la gouverne, et puis il y a Dieu, et puis il y a nous, et Dieu en nous. C’est un réflexe très humain de choisir et enclore un lieu défini comme sacré, de désigner des “ministres”, et d’en faire aussi des personnes sacrées, ce qui les distingue des autres humains. C’est une nécessité pour la cohérence de la pratique religieuse, pour sa stabilité et pour assurer sa transmission dans le temps. Mais c’est aussi une prison. La liberté nous affole parfois mais le conservatisme nous enferme toujours. Et puis, nous aimons aussi, dans les églises (et autres temples…) nous sentir CHEZ NOUS. Mais si les églises ne sont plus des endroits sûrs, spirituellement, si les églises sont des endroits où tout débat et tout échange sont impossibles, alors il faut prendre la route de l’Exode, spirituellement parlant, en emportant avec soi sa petite ARCHE D’ALLIANCE (la bible !) et accepter, pour le salut de son âme, de n’avoir comme refuge que sa petite tente secouée par les vents (dont certains sont des vents mauvais) pour y rejoindre dans la prière le Tout Autre, le Tout Amour, l’Insaisissable, qui se donne à nous au fond de notre cœur, si on le recherche avec passion, parce que nous sommes aussi des êtres de désir. Mais les vrais murs et les vrais piliers du temple, plutôt que les marbres et les dorures, ce sont la foi et l’espérance des croyants fidèles. Ce sont des piliers vivants : Il y a les discrets, il y a les humbles, il y a les orgueilleux, il y a les pourris, et il y a nous, ni pires ni meilleurs que les autres…
Magnifique, merci Jean-Bernard !