Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé de fautes, à la lignée des méchants, aux enfants corrompus ! Ils ont abandonné l’Eternel, ils ont méprisé le Saint d’Israël. Ils ont fait volte-face.
A quoi bon vous frapper encore ? Vous multipliez vos révoltes. La tête entière est malade et tout le cœur est souffrant. De la plante des pieds jusqu’à la tête, rien n’est en bon état : ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives qui n’ont été ni pansées, ni bandées, ni désinfectées. Votre pays est dévasté, vos villes sont réduites en cendres, des étrangers mangent les produits de votre sol sous vos yeux : c’est une dévastation pareille à la catastrophe opérée par des étrangers. Et la fille de Sion a survécu. Elle est restée comme une cabane dans une vigne, comme une hutte dans un champ de concombres, comme une ville épargnée.
Si l’Eternel, le maître de l’univers, ne nous avait pas conservé un faible reste, nous serions pareils à Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe.
Ecoutez la parole de l’Eternel, chefs de Sodome ! Prête l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe ! Que m’importe la quantité de vos sacrifices ? dit l’Eternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux, je ne prends aucun plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs. Quand vous venez vous présenter devant moi, qui vous demande de piétiner ainsi mes parvis ? Cessez d’apporter des offrandes illusoires ! J’ai horreur de l’encens, des débuts de mois, des sabbats et des convocations aux réunions, je ne supporte pas de voir l’injustice associée aux célébrations. Je déteste vos débuts de mois et vos fêtes : c’est un fardeau qui me pèse, je suis fatigué de les supporter. Quand vous tendez les mains vers moi, je détourne mes yeux de vous. Même quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas: vos mains sont pleines de sang.
Lavez-vous, purifiez-vous, mettez un terme à la méchanceté de vos agissements, cessez de faire le mal ! Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve !
Isaïe 1, 4-17, Traduction Segond 21
Cet extrait du début du Livre d’Isaïe me trotte dans la tête depuis quelques jours, bien qu’il ne soit pas lu en Eglise catholique ces temps-ci. Mais il correspond à mon ressenti spirituel en ce début de carême. Et c’est à dessein que j’ai choisi ici la traduction de la Bible Segond 21.
Il est un peu facile de reléguer ces paroles au temps historique d’Isaïe et du peuple de la Première Alliance. Prétendre qu’à travers Isaïe, Dieu exprimait avant tout qu’il n’en pouvait plus des sacrifices animaux et des fêtes juives célébrées parfois dans une parfaite hypocrisie en ces temps-là, c’est refuser de se regarder dans un miroir et de scruter ce qui dysfonctionne dans nos propres pratiques.
Mes lecteurs le savent, découragée et blessée de me battre depuis tant d’années contre des moulins à vent dans l’Eglise catholique de mon baptême, je lui ai tourné le dos depuis la Pentecôte pour intégrer une paroisse protestante luthérienne dans laquelle je ne prétends nullement que tout soit parfait, mais où je ressens davantage de cohérence évangélique et moins de ritualisme pesant.
Nous voici entrés en Carême. Cette année, pour la première fois depuis fort longtemps, je ne suis donc pas allée me faire imposer les cendres. Je ne prétends pas entrer en désert spirituel, me lancer dans un jeûne alimentaire ou autre contraignant, me frapper la poitrine et me lamenter sur mon supposé manque de foi. La vie fait que tout semble me sourire ces derniers mois. J’accueille cet état de grâce avec reconnaissance envers mon Dieu et confiance en la bonne réalisation de mes grands projets de cette année : entrée dans la soixantaine par une grande fête réunissant ma famille et mes chers amis, acquisition d’un appartement dans la ville du sud-ouest dont j’ai fait choix pour y passer ma retraite, vente de ma maison d’Alsace et préparation jour après jour de ce grand déménagement.
Ainsi, malgré l’actualité internationale morose voire tragique, je goûte une phase de ma vie constructive et vraiment positive. Et ce n’est pas égoïsme ou indifférence qui me dissuadent d’arborer une “face de carême”, mais tout simplement ma joie de vivre qui prédomine et que je voudrais contagieuse.
Depuis de longues années, je me lasse de la répétitivité du calendrier liturgique. Ainsi, il me semble surfait de célébrer à Noël un petit Jésus né dans une crèche comme si ce fait était d’une étonnante nouveauté : au bout de soixante Noël – pour moi – et de deux mille ans de christianisme – pour l’Eglise – on pourrait peut-être admettre que l’Incarnation du Christ est un fait établi et ne plus nous parler comme à des enfants en homélie de cet extraordinaire venue du Fils de Dieu dans la chair et la pauvreté. S’il est bon d’en faire mémoire, notamment en discernant le prochain dans tous les déshérités de la terre, j’avoue que les cantiques de Noël, toujours les mêmes, finissaient par m’agacer au point que je soupirais de soulagement à la fin du temps de la Nativité.
La diatribe d’Isaïe contre les célébrations juives d’antan me semble bien s’appliquer aussi à cet immuable calendrier liturgique qui prétend nous plonger fête après fête dans l’étonnement et la nouveauté. Ainsi, on nous enjoint pendant ce carême à nous préparer à la fête de Pâques à laquelle il aboutit : est-ce à dire que le Christ n’est pas encore ressuscité, ou alors que nous n’en avons pas / plus conscience ? Je voudrais dans ce cas réaffirmer haut et fort, comme l’Apôtre Paul en 1 Corinthiens 15, 14 :
Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu. (AELF)
Nous chrétiens, nous confessons avant toute chose la résurrection du Christ, alors pourquoi attendre chaque année la fête de Pâques pour le faire ? Ne devrions-nous pas plutôt être ardemment travaillés en permanence par cette grâce de la résurrection de notre Seigneur pour irradier au quotidien en direction de nos frères et sœurs en humanité, chrétiens ou non, la foi, l’espérance et la charité ? Et ce non seulement en une nuit et une matinée de renaissance au printemps, mais plutôt toute l’année, jusqu’au cœur des ténèbres les plus épaisses de la souffrance ou de la précarité, conserver chevillée au cœur une foi qui ne s’endort jamais ?
Quant à cette tendance actuelle en Eglise catholique à ressusciter les nuées d’encens et tout le cérémonial un peu ridicule qui les accompagne, je pense qu’il serait bon aussi de méditer ces propos d’Isaïe se faisant l’interprète de Dieu. A qui cherche-t-on à plaire dans la volutes d’encens ? A Dieu, ou à des fidèles de plus en plus attachés aux rituels et aux traditions ?
En conclusion, je dirais que Dieu nous a déjà parlé clairement à travers tous les Prophètes et l’Evangile, et que persister dans un ritualisme qui ne rassure que l’humain et paraît loin d’être exigé voire agréé par notre Père, nous confine à la religiosité bien plus qu’à la foi véritable, éprouvée, vécue et mise en œuvre “en esprit et en vérité”.
Source image : Pierres Vivantes, Recueil catholique de documents privilégiés de la foi, Les évêques de France aux enfants de CM, à leurs catéchistes et à leurs parents, Paris, 1994
https://pleneuf-erquy-matignon.catholique.fr/-Calendrier-liturgique-.html
3 commentaires
Le calendrier vous pèse et le calendrier laïc avec ses rites aussi ses fetes idiotes ne vous choque pas. En Grėce nous vivons au rythme de l’ancien calendrier orthodoxe alors c’est plein de surprises et d’incohérences pour nos esprits cartesiens. Vous etes en carême pour nous il commence le 20 mars avec Pâques le 5 mai ! La résurrection va se fzire attendre !. Chaque année c’est si différent sauf pour certaines grandes fêtes. La routine on ne connaît pas
Vos reflexions a chacun sont justes .
Les rites sont un alphabet ou une gamme de notes.Cela nous est donne, immuablement, et avec les memes lettres ou les memes notes, ecrits et airs sont multiplrs .Cette liberte evoquee permet de choisir nos mots, nos musiques pour nous approcher ou vivre cette vertite que nous cherchons. Je suis donc en accid avec la revolte de Veronique et la reponse de Jean Bernard.Cath
Bonjour Véronique. Toujours très en verve à ce que je vois ! OUI, dans le déroulement du calendrier liturgique, il peut y avoir chez les croyants comme un sentiment de lassitude ou de déphasage. Ce calendrier liturgique est un système de maillage de la vie quotidienne, en cohérence avec les saisons, plaqué par l’Église sur le cours du temps. Les non-croyants ou simplement indifférents profitent seulement de l’aubaine des jours fériés, et les pratiquants essaient de conformer la vie de leur foi avec ce calendrier-là. C’est vrai, c’est totalitaire, en un certain sens : exultez de joie à Noël, combattez spirituellement pendant le carême, attristez-vous pendant la semaine sainte, exultez à l’annonce de la résurrection, priez Marie au mois de mai, priez vos défunts à l’automne, etc. Mais ce n’est pas l’éternel retour ! Chaque fête religieuse est vécue dans un temps différent, un état d’esprit différent, avec en toile de fond des moments de nos vie, bons ou mauvais, mais tous différents. Ce sont les mêmes dates du calendrier liturgique, mais vécues par des âmes qui avancent sur leur propre chemin de vie. Donc les fêtes que nous vivons sont toutes semblables et en même temps si différentes à chaque fois. Mais pourtant c’est vrai, il y a des fêtes qui passent comme des trains dans lesquels on ne monte pas. J’ai vu ainsi “passer le train” de Noël et n’en ai vécu que le minimum (installer la crèche, aller à la messe de minuit). J’étais ailleurs. Nous voilà maintenant en carême. A l’inverse, j’y entre mieux que les années précédentes. Mais ta question est pertinente, sur le fond : pouvons-nous vivre notre foi sans être prisonnier d’une série obligée et rigide de célébrations et de rituels ? Oui et non, en fait. Oui pour faire communauté, dans la joie. Et non si c’est par conformisme, sans la joie, je veux dire la joie profonde du cœur. Mais les source de joies spirituelles ne résident pas (seulement) dans les célébrations solennelles, ton parcours le démontre à l’envie, et il est plutôt parallèle au mien. Pour conclure : n’oublions pas que la foi c’est la LIBERTÉ ! Bien amicalement.