J’ai souvenir de la foi sincère qui est en toi : c’était celle qui habitait d’abord Loïs, ta grand-mère, et celle d’Eunice, ta mère, et j’ai la conviction que c’est aussi la tienne.
Voilà pourquoi, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains.
Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération.
N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile.
Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles,
et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile,
pour lequel j’ai reçu la charge de messager, d’apôtre et d’enseignant.
Et c’est pour cette raison que je souffre ainsi ; mais je n’en ai pas honte, car je sais en qui j’ai cru, et j’ai la conviction qu’il est assez puissant pour sauvegarder, jusqu’au jour de sa venue, le dépôt de la foi qu’il m’a confié.
2 Timothée 5-12
Textes liturgiques©AELF
Cette adresse de Paul à Timothée est bien intéressante sur le plan de la transmission de la foi.
Paul reconnaît que la foi de Timothée est le reflet de celle de deux femmes : sa grand-mère Loïs et sa mère Eunice. Il ne parle pas ici de transmission par une institution, mais par les liens du sang et du cœur. Et il est remarquable que Paul cite la grand-mère et la mère du jeune Timothée et non son grand-père et son père. Au passage, pour l’anecdote, je me suis toujours émue de ce verset qui résonne dans ma propre vie, Paul aurait pu me dire en parallèle, car ce sont là leurs prénoms authentiques, “c’était celle qui habitait d’abord Louise, ta grand-mère, et celle de Denise, ta mère”.
Oui, la foi peut sourdre en nous de l’exemple et de l’enseignement des femmes de notre enfance : ma grand-mère paternelle était d’une piété insurpassable, et en vacances chez elle, après le signe de croix à l’eau d’un bénitier, nous priions avant le coucher notre ange gardien, Marie et le Seigneur qui allaient veiller sur notre nuit et nos jours. Louise vivait ardemment sa foi, dans le service, l’humilité et l’incapacité au commérage. Si les vêpres avec elle m’étaient un pensum, j’ai bu dès ma naissance, et pour toujours, à la source de sa sainteté discrète.
Denise ma mère aurait préféré être sa fille que sa belle-fille tant elles étaient proches l’une de l’autre en matière de foi, d’humilité, de vécu concret de l’Evangile, de piété à toute épreuve. J’avais là deux modèles de chrétiennes authentiques dans la simplicité de leurs vies rurales toutes données à leur famille et aux travaux agricoles. Jamais de médisance, jamais de remise en question des textes sacrés et de la foi de leur lignée. Malgré des vies très difficiles, âpres, modestes sur tous les plans, elles n’en voulaient jamais au Ciel des aspérités de leur quotidien. Si elles savaient reconnaître les duretés à leur égard de son mari pour l’une et de sa mère pour l’autre, elles n’en perdaient pas la foi pour autant, et bien au contraire : l’amour de Dieu était leur force et leur consolation. Elles n’eurent jamais de conflit l’une avec l’autre : la foi chrétienne était leur terreau commun et leur ciment.
Bénies soient ces deux femmes qui m’ont infusé la quintessence de l’Evangile concrètement vécu !
Paul a eu l’occasion d’imposer les mains à Timothée. Et toute personne confirmée dans la foi de son Eglise en a vécu de même : homme ou femme, ordonné ou non. Je n’aurai de cesse de souligner que l’Esprit Saint ne se “dose” pas à la quantité ou qualité des sacrements reçus : confirmés, hommes ou femmes, nous sommes tous marqués du signe de Dieu et aptes à la mission d’annonce de l’Evangile. Ni ma grand-mère paternelle ni ma mère n’avaient lu de traités de théologie, mais elles m’en ont appris bien plus sur une vie évangélique que mon oncle prêtre ayant fréquenté assidûment petit et grand séminaire et cependant malheureux contre-témoin toute sa vie…
Je retiendrai encore que Paul souligne le projet de Dieu sur lui-même et sur Timothée : Dieu nous connaît, nous appelle, nous choisit, nous confie sa Parole et notre mission. La médiation d’autres chrétiens avant nous est utile et souhaitable. Mais c’est le Christ lui-même qui a confié le dépôt de la foi à Paul et l’a envoyé témoigner.
Enfin, Paul évoque les souffrances pour l’annonce de la foi chrétienne : “Avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile.” Finissons-en avec les fatuités des sourires figés et des liesses stériles en milieu “charismatique”.
L’appel de Dieu comporte son lot d’exigences, et parfois elles sont extrêmes. Appelées à témoigner de leur foi, ma grand-mère et ma mère ont connu les déchirements des guerres, des annexions allemandes, des scolarités fauchées de ce fait, des pillages sous l’occupation forçant à repartir à zéro, des duretés conjugales, des persécutions intra-familiales incessantes, de la précarité financière. On pourrait croire leurs vies marquées au sceau de l’épreuve et du non-sens.
Pour moi, bien au contraire, j’y vois la marque d’une très grande proximité avec le Christ Jésus. Sa croix, elles l’ont portée avec Lui. La foi en Lui, elles l’ont conservée indéfectiblement, comme le trésor le plus précieux de leur cœur. Et j’ajoute, pour ma grand-mère, malgré un indétrônable curé de paroisse tyrannique et pour ma mère, malgré un frère prêtre tristement contre-témoin de l’Evangile.
Ainsi vais-je de l’avant dans ma vie de chrétienne, forte de cet héritage spirituel, de l’appel de Dieu sur moi dès mon baptême et ma confirmation et de mon désir absolu de vivre au quotidien le message de l’Evangile.