La parole du Seigneur me fut adressée :
« Fils d’homme, tu diras au prince de la ville de Tyr : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ton cœur s’est exalté et tu as dit : “Je suis un dieu, j’habite une résidence divine, au cœur des mers.” Pourtant, tu es un homme et non un dieu, toi qui prends tes pensées pour des pensées divines.
C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur Dieu : Parce que tu prends tes pensées pour des pensées divines, je fais venir contre toi des barbares, une nation redoutable. Ils tireront l’épée contre ta belle sagesse, ils profaneront ta splendeur. Ils te feront descendre dans la fosse et tu mourras au cœur des mers, d’une mort violente. Oseras-tu dire encore devant tes meurtriers : “Je suis dieu” ? Sous la main de ceux qui te transperceront, tu seras un homme et non un dieu. Tu mourras de la mort des païens incirconcis, par la main des barbares. Oui, moi, j’ai parlé, – oracle du Seigneur Dieu. »
Ézéchiel 28, 1-10Textes liturgiques©AELF
Lisant ce texte ce matin, je songe à la belle assurance de bien des catholiques, à commencer par les prélats qui gravitent sous les ors du Vatican, quand ils ne se privent pas d’asséner à qui veut l’entendre qu’ils sont dans la vérité de Dieu, que leur doctrine est la seule qui vaille, que l’Esprit Saint les guide et inonde cette Eglise protégée par le Seigneur à tout jamais…
J’ai été très choquée récemment sur Facebook par l’outrecuidance d’un mystérieux personnage qui s’octroie le nom de Erudire Ad Caelum, cherchant à démontrer à partir d’éléments du Concile de Trente à quel point les catholiques sont dans le juste et les protestants dans l’erreur. Lui emboîtant le pas, un dénommé Filoméno Cabral allait bien plus loin encore, rétorquant à mes objections : “Véronique Belen, La secte la plus maudite et la plus démoniaque de tous les temps, c’est le protestantisme. Point barre !”
Eh bien ! Quelle humilité et quelle modestie ! Quelle aptitude à rechercher la réconciliation entre chrétiens séparés ! A quel point il faut être aveugle aux contre-témoignages criant vers le ciel de bien des ordonnés catholiques ces dernières décennies pour oser un tel aplomb, dans le mépris des différences confessionnelles !
Je pense pour ma part que par ce type d’attitude et de langage arrogants, l’Eglise catholique, notamment par son aile conservatrice à outrance, est en train de se fossoyer elle-même. Et que Dieu lui-même la laisse s’enfoncer dans la fange par un juste retour des choses.
Songeons que le Seigneur a chéri un peuple rebelle pendant des millénaires, qu’il a fait choix de ce peuple élu pour y faire naître son propre Fils, le Messie, lui donnant des parents et des éducateurs juifs pour qu’il grandisse dans le respect de la Loi de Moïse, et que lui, le Père éternel, a enduré que son Fils soit harcelé par ceux-là mêmes qui prétendaient maîtriser les préceptes religieux mieux que quiconque, mis à mort à Jérusalem, la ville sainte par excellence, abandonné à l’occupant romain pour endurer une fin infâme. Le propre Fils de Dieu !
Puis ce Dieu a encore enduré l’arrogance progressive de ceux qui se réclamaient disciples de son Fils. Passés les temps où les premiers chrétiens ont été persécutés par ce peuple rebelle complice de la Rome antique, l’Eglise a cru bon de conquérir le pouvoir temporel, s’arrogeant le droit de dominer le monde en accumulant à son tour trésors et richesses indus, en créant des lois l’éloignant progressivement de l’esprit de l’Evangile, en tissant un carcan autour de fidèles soumis aux autorités ecclésiales là où la vérité de la Parole du Christ devait les rendre libres…
Le Vatican, antithèse de l’humilité et de la pauvreté prônées par Jésus, devenait le centre du monde et fomentait de lui-même, par ses intrigues et ses manœuvres de couloirs, la chute promise à tout pouvoir qui se prétend un temps divin.
Je ne commenterai guère les temps de la Réforme, la blessure n’étant visiblement ni assumée, ni pansée d’un côté comme de l’autre.
Ce qui m’apparaît comme une évidence, c’est qu’il existe des cycles dans l’histoire des institutions religieuses. De peuple élu et choyé par le Seigneur, le peuple juif est tombé dans une indicible disgrâce, allant par la faute de l’homme ô combien capable de malfaisance jusqu’à l’enfer insurpassable de la Shoah. Beaucoup se scandalisent encore : “Où était Dieu ? Que faisait-il ? Pourquoi son silence ?”Sa plainte douloureuse se laissait pourtant entendre dans les mots pleins de larmes d’Anne Frank, Etty Hillesum ou Edith Stein…
Et le même questionnement nous revient en ce XXIème siècle : dans la terreur et le dégoût de l’enfant de chœur violé par son curé, dans la honte et le désarroi de la religieuse ou de la laïque abusées sexuellement ou spirituellement par un/e supérieur/e bien en vue, où était Dieu ? Que faisait-il ? Pourquoi son silence ?
Dieu était là, dans le silence et la dévastation des victimes, Dieu versait les mêmes larmes de honte et de déshonneur qu’elles… Mais Dieu n’est pas que victime passive de la malice et de la cupidité des hommes. Dieu n’est pas que caution secrète d’institutions religieuses indignes. Vient un jour où il fait se lever Daniel pour sauver la chaste Suzanne. Vient un jour où il fait se lever Ezéchiel pour mettre en garde les princes corrompus. Vient un jour où il envoie les lanceurs d’alerte pour prédire la fin de la suprématie d’une Eglise catholique romaine qui a démérité sur à peu près tous les plans.
Anne Frank, Etty Hillesum et Edith Stein sont aujourd’hui lues et justifiées. Par leurs écrits et les témoignages des rescapés des camps de l’horreur, nous savons ce qui a été fait contre le peuple juif par des hommes et nous le réprouvons énergiquement. Le rapport de la CIASE en France et bien d’autres témoignages de par le monde nous ont révélé l’horreur de l’omerta dans une Eglise qui ose encore se prétendre sainte et immaculée, pire, épouse du Christ.
Laissons-le, au gré du temps qui est le nôtre, montrer de quel côté il se place désormais. Il ne se laissera plus couvrir d’opprobre une fois de plus comme il y a 2000 ans. Ressuscité dans la Gloire, le Christ ne meurt plus. Ni ne tolère n’importe quoi de la part de ceux qui souillent son Nom.
Image : Gustave Doré La vision des ossements desséchés par Ezéchiel