Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem.
Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue.
Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? »
Mais Jésus, se retournant, les réprimanda.
Puis ils partirent pour un autre village.
Luc 9, 51-56
Textes liturgiques de l’AELF
Aujourd’hui, ce qui me frappe dans ce texte, c’est que toute la trajectoire de Jésus le menait vers Jérusalem, et nulle part ailleurs. Jérusalem réputée ville des Prophètes, Jérusalem, la demeure de la paix, qui a été comme nulle autre ville au monde traversée de guerres et de tentatives de conquête. Jérusalem la contemporaine, ville des trois religions monothéistes. Jérusalem des affrontements religieux et politiques. Jérusalem qui souffre sur la croix des revendications territoriales et religieuses. Jérusalem aujourd’hui quasi encerclée par les armées, en ces temps qui pourraient bien être les derniers, en ces temps où nous nous devons d’espérer le retour du Christ en Gloire, qui reviendra là, aux portes de la Ville Sainte, comme il l’a promis en repartant vers son Père des Cieux.
Jérusalem et non pas Rome.
Rome n’est-elle pas la ville qui a perdu cette foi-là, la ville qui ne prêche jamais le second avènement du Messie, sinon dans des formules liturgiques rituelles auxquelles elle ne croit même pas ? Rome n’est-elle pas la ville du contre-témoignage chrétien, ville d’opulence, ville de glorification d’une seule appartenance religieuse, ville au passé païen et idolâtre ?
La vie a fait que je ne voyage ni dans l’une, ni dans l’autre de ces deux villes. J’aurais voulu cette année, à l’occasion de mes soixante ans, effectuer un pèlerinage en terre sainte. L’actualité effroyable en a décidé autrement. Jérusalem crucifiée de violents conflits une fois de plus, une fois de trop ?
Rome ne m’attire que partiellement. Certes, comme capitale européenne, j’aimerais la connaître. Mais quelque chose m’a toujours retenue d’aller acclamer un homme en blanc sur la place Saint Pierre. Un homme. Rien qu’un homme, et je n’idolâtre aucune créature, jamais. Je sais que bien des déclarations des papes ne sont pas Parole du Seigneur. D’ailleurs, les dernières diatribes du pape François en déplacement en Belgique ne choquent pas précisément parce qu’elles seraient marquées du sceau de l’Esprit saint. Elles sont plutôt marquées du sceau de Rome qui voudrait faire des femmes avant toute chose des reproductrices, ce pour enfanter à l’Eglise des petits catholiques susceptibles d’être ordonnés un jour. Logique comptable, injonction qui ne tient pas compte des préoccupations des jeunes d’aujourd’hui qu’il conviendrait d’écouter sérieusement.
J’ai pour ma part eu déjà maints dialogues avec cette génération aujourd’hui en âge de procréer, et j’entends leurs arguments de réticence : oui, ce monde est anxiogène sur tous les plans, économique, écologique, politique, l’instabilité des relations internationales est telle qu’ils sont en droit de se demander ce qu’ils ont à offrir à un enfant à naître.
En cette heure, il naît des enfants en Ukraine, au Soudan, au Liban et à Gaza, et dans quelle misère et quelle angoisse ne sont-ils pas jetés à peine sortis du ventre de leur mère ? Toute naissance est belle et précieuse, mais peut-on parler de couples égoïstes parce qu’ils ne procréent pas à l’heure où il est si difficile et hasardeux d’élever un enfant, de lui offrir la certitude d’un avenir serein ? Le pape François a souvent ironisé sur les couples européens qui préfèrent élever un animal de compagnie qu’un enfant. Je trouve cela indigne de sa personne et de sa fonction. Un enfant nous survit et nous nous devons de lui laisser un monde vivable. Et nous ne le faisons pas non plus venir au monde pour nous payer plus tard nos retraites… Il faut faire attention à ce que l’on dit, parfois de simples petites phases véhiculent anathème et culpabilité.
J’en reviens à Rome et à Jérusalem. Jérusalem a au moins un mérite par rapport à Rome : elle attend le Messie. Rome a cessé de l’attendre depuis bien longtemps, si toutefois elle l’a attendu un jour, elle qui croit le posséder définitivement dans un tabernacle dans lequel elle entend le tenir enfermé à double tour, quand elle ne prétend pas l’exhiber comme sa propriété privée dans un ostensoir rutilant.
Jérusalem, quant à elle, attend le Messie avec raison, car c’est vers elle qu’il viendra à son sens, qu’il reviendra au sens chrétien. Oui, je l’affirme une fois encore en mon âme et en mon cœur brûlants d’amour pour mon Seigneur : il reviendra dans la Gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. Oui je le crois. Et c’est bientôt.
Amen, viens Seigneur Jésus ! Reviens par égard pour ceux qui t’espèrent ! Reviens pour sauver toutes celles et tous ceux qui souffrent, l’enfant né ce jour en Ukraine, au Soudan, au Liban ou à Gaza, sa maman dont la délivrance n’est présentement qu’angoisse du lendemain, reviens nous sauver et montrer aux fauteurs de guerres quelle est leur lourde responsabilité dans la désespérance du monde ! Reviens nous sauver et envoie l’Esprit de Vérité qui sonde les cœurs et les reins pour révéler à toute âme et à toute chair si son chemin était le bon, ou si elle s’est fourvoyée dans des voies d’égarement !