Il ne restera que l’amour
Heureux ! Le bonheur, notre rêve le plus profond. Seul l’amour nous y conduira. Les béatitudes, frères et sœurs, sont le portrait de ceux qui n’ont, comme le chante Jacques Brel, « que l’amour à offrir en prière ». Heureux sont-ils ! Nous poursuivons la réussite, il nous arrive même d’aller de réussite en réussite, dans notre cuisine, notre bureau ou nos relations, en politique ou dans le sport. Mais de tout cela, il ne restera que l’amour que nous y aurons mis. Et si nous avons oublié d’en mettre, il ne restera rien, rien !
Oui, celui qui aime est pauvre de cœur, désencombré de lui-même et accueillant aux autres ; il est doux, renonçant à toute pression sur l’autre ; il est capable de pleurer, mais ce ne sont pas des larmes de rage ; il cherche ce qui est juste, ce qui convient et non ce qui lui convient. Celui qui aime est prêt à pardonner le manque d’amour de l’autre ; il a un cœur limpide, tourné vers la lumière et il cherche la paix. Sans doute rencontrera-t-il l’adversité et passera-t-il parfois pour un demi doux, mais qu’importe : il sait, il sent, qu’il est dans le vrai. Heureux est-il !
Ce portrait-là, il nous ressemble, à certains jours du moins. Il est aussi celui de ceux qui nous ont précédés : « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer », nous dit saint Jean dans l’Apocalypse. Le portrait de tous ceux qui ont su garder le cap de l’amour, contre vents et marées. Nous en sommes les héritiers. Merci à eux ! Ce qui fait avancer l’aventure humaine et que les manuels d’histoire racontent si peu, c’est uniquement l’amour. C’est lui qui passe de génération en génération.
Aujourd’hui, nous célébrons tous ces anonymes de l’amour, nous voulons être en communion avec eux. Seul l’amour rassemble. Nous faisons partie d’une fraternité tellement plus vaste que ce que nos pauvres yeux nous donnent à voir. Elle traverse les siècles et enjambe les frontières. Elle est la fraternité des enfants de Dieu, ceux qui ressemblent à Jésus, lui qui a su aimer du plus grand amour. Les béatitudes nous en font le portrait.
Dans cette cohorte, il y a aussi les saints diplômés ! Saint Vincent de Soignies et sainte Waudru de Mons, par exemple. Ils mettent en lumière ce que nous portons tous en nous, au moins comme désir. Il y a en nous du saint François, du saint Vincent de Paul ou de la sainteté Thérèse de Lisieux, au moins en désir. Ne devrions-nous pas lire plus souvent leurs vies pour réveiller le meilleur de nous-mêmes ?
Parmi les saints labellisés, il y a un anonyme que j’affectionne particulièrement. Qui connaît encore saint Benoît-Joseph Labre, originaire de l’Artois ? Il aurait tant voulu rester chez les chartreux ou les trappistes, mais à chaque fois, il finissait par quitter le monastère. Il est devenu SDF, parcourant trente mille kilomètres à pied dans toute l’Europe du 18e siècle, tout en priant. Ses biographes lui attribuent 81 destinations successives. Il a fini sa vie à 35 ans, à Rome, où il logeait dans les ruines du Colisée. Il n’a pu trouver ici-bas où se poser, car sa patrie était le ciel.
Dans les files de mendiants, Benoît-Joseph se mettait toujours à la dernière place, pour être sûr de ne pas léser celui qui le suivait. Laisser passer l’autre avant soi, n’est-ce pas tout simplement cela l’amour ? Or, notre réflexe est si souvent : « Moi d’abord ! »
« Pour aimer Dieu comme il convient, disait-il, il faudrait avoir trois cœurs en un seul. » Les saints nous disent que notre amour sera d’autant plus grand que nous serons en profonde communion avec Dieu, quel que soient notre équilibre psychologique ou nos connaissances théologiques.
Dans son livre récent, Heureux les simples, Jean-Marie Pelt nous rappelle que les saints sont aussi parmi nous. Les êtres loyaux et généreux sont légion jusque dans notre entourage. Qui n’a jamais été émerveillé par un tout petit geste d’amour, d’amour vrai ? La vie des saints en est remplie. La nôtre pourrait l’être aussi. N’attendons pas d’être parfaitement bien dans notre peau et que tous nos problèmes soient résolus pour nous décider à aimer. Il y a toujours moyen de laisser passer l’autre avant soi.
Célébrer la Toussaint, c’est fêter Dieu. Les saints sont comme une mosaïque. Tous ensemble, ils nous font percevoir quelque chose du mystère de Dieu, chacun selon sa part. C’est en effet Dieu qui, à travers tous ceux qui nous ont précédés, connus ou inconnus, nous dit son amour. Dans cette mosaïque, nous avons notre place si nous consentons à aimer vraiment. Essayons donc l’amour « pour de bon ». Nous pouvons être heureux dès aujourd’hui !
Prédicateur :
Père Charles Delhez s.j.
Références bibliques :
Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps. 23 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12
Collégiale Saint-Vincent Soignies (Belgique)
1 commentaire
J’ aime bien le Père Charles DELHEZ ! Non seulement il prononce de très belles homélies, mais il s’ exprime très bien et avec beaucoup de chaleur.. Je le regardais pendant la messe, il a un
beau visage, très expressif !
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J’ ai retenu, ce matin, que nous fêtions tous ces anonymes de l’ Amour .
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et l’ histoire de Benoît- Joseph Labre,;qui, dans les files de mendiants, se mettait toujours à la dernière place, pour être sûr de ne pas léser celui qui le suivait …..
” Laisser passer l’autre avant soi, n’est-ce pas tout simplement cela l’amour ? Or, notre réflexe est si souvent : « Moi d’abord ! »;
Quand j’ étais enfant, nous avions, dans ma famille, une grande dévotion pour Benoît Labre.. Sur la cheminée de la cuisine de mes parents, il y avait une petite statue de lui . Pourquoi ?.
Ce saint mendiant ( ou ce mendiant canonisé..) me fascinait beaucoup…
La dame qui m’ apporté la communion, ce matin, n’ avait jamais entendu parler de lui ! ……