Le troisième dimanche de l’Avent entretient l’attente de la venue du Verbe dans notre chair en alimentant la joie. Dimanche traditionnel du Gaudete ! La deuxième lecture commence en effet par ces mots de Paul aux habitants de la ville de Philippes en Macédoine : « Réjouissez-vous dans le Seigneur toujours et partout ! Je vous le dis de nouveau : réjouissez-vous… Le Seigneur est proche !» (Philippiens 4, 4-5). Parce qu’Il est le Seigneur, s’Il est proche, la joie vient de Lui. La joie que réserve Jean le Baptiste passe, quant à elle, par le partage du vêtement et de la nourriture : «Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Joie qui vient encore de ne rien exiger en plus de ce qui est fixé, quand on a charge d’imposer quoi que ce soit ! Joie du soldat qui ne fait pas le jeu de la violence ! Sa joie à lui, Jean, consiste à ne pas même s’estimer capable de désigner Jésus comme le seul Époux véritable ! Joie de l’ami en faveur de l’Époux. Car le geste de délier la courroie de la sandale n’est pas d’abord un geste d’humilité. C’est un geste d’alliance. Par exemple : « C’était autrefois la coutume en Israël, en cas de rachat et d’héritage, pour valider toute affaire : l’un ôtait sa sandale et la donnait à l’autre. Telle était en Israël la manière de témoigner. Celui qui avait droit de rachat -sur Ruth, en vertu de la priorité parentale, prévue par la loi du lévirat- dit donc à Booz : “Fais l’acquisition pour toi-même”, et il retira sa sandale» (Ruth 4, 7-8). Joie pour Jésus enfin de se laisser deviner comme ce qu’Il est, l’Époux en vérité, dans son exigeante tendresse, en abdiquant tout pouvoir et toute séduction.
Une telle joie coule à flots, dans la Bible, de la parole prophétique. C’est la joie de l’Alliance. Le texte de Sophonie y introduit à condition d’en respecter les accents. Le nom même de Tsephanya veut dire : « Le Seigneur cache ; le Seigneur abrite ; le Seigneur garde secret, il garde le secret ! » Ne surtout pas céder, jusque dans la proclamation liturgique du texte, au ton de la propagande ou du boniment ! Personne n’y adhérerait. « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! » (Sophonie 3, 14) Entendre ces mots du bien-aimé à la bien-aimée, sur le ton de la confidence, à l’abri de tout intimisme comme de toute exaltation factice. La « fille de Sion », c’est un nouveau quartier de Jérusalem, peuplé par les rescapés du Nord, après le désastre de Samarie, à l’époque de la réforme de Josias, au début du VII° siècle avant Jésus-Christ. C’est « le petit reste » des survivants d’une catastrophe. Il réclame l’attention réservée à des êtres blessés. Ce sont des «pauvres » ; ils demandent, pour être touchés, la pauvreté du cœur : « Cherchez le Seigneur, vous tous les pauvres (‛anawîm) de la terre… Cherchez la justice, cherchez la pauvreté (‛anawah) ! » (Sophonie 2, 3) Cette pauvreté est celle du Seigneur lui-même. Elle n’est point sans force puisque elle a écarté les juges-accusateurs : « Il a fait re-brousser chemin à ton ennemi », l’envahisseur arrogant. « Ne crains pas, Sion ! » L’oracle de salut prophétique, héritage d’Isaïe, retentit sur le fond d’une délivrance acquise par le Seigneur grâce à la foi-confiance. Il faut craindre dans l’incrédulité et pour l’incrédule. Le « pauvre » qui met sa foi dans le Seigneur, lui, ne doit rien craindre. Sa paix et sa joie lui sont assurées par Dieu qui agit en sa faveur. « Le roi d’Israël, le Seigneur est en toi. » Lui seul règne sur toi. Lui seul est assez grand pour te combler le cœur. C’est ce qu’Il veut, c’est ce qu’Il opère de toujours à toujours. En cela consiste précisément l’Alliance. Son fruit affectif ne peut être que la joie. Dieu sera toujours fidèle. Qu’Il soit ainsi la joie de ses pauvres !
L’ange Gabriel retrouve les mêmes accents en s’adressant à Marie : « Réjouis-toi, comblée de grâces, le Seigneur est avec toi ! (…) Ne crains pas !» (Luc 1, 28.30). Entendre donc la parole prophétique comme on entend la voix d’un ange ! « Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour », redit Sophonie. Seul l’Amour renouvelle la joie. Seul l’Amour est joie toujours neuve. Y croyons-nous encore ?
Sophonie 3, 14-18
Cantique d’Isaïe 12
Philippiens 4, 4-7
Luc 3, 10-18